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En Sibérie, la banquise fond : hommes et ours face à face

En Sibérie, dans la région du Tchoutotka, une cinquantaine d'ours polaires affamés rôdent autour d'un village. La faute au réchauffement climatique qui affecte la banquise.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Photo prise le 3 décembre 2019 par le WWF - Russie, montrant des ours polaires à proximité du village de  Ryrkaïpiï, dans la région de Tchoukotka. (MAKSIM DYOMINOV / WORLD WILDLIFE FUND - RUSSIA)

Le Tchoukotka : une immensité blanche et glacée, à l'extrême nord-est de la Russie. C'est là, près du village de Ryrkaïpiï - 500 âmes regroupées au bord de la mer de Sibérie orientale - que 56 ours polaires aux flancs creux ont commencé à rôder.

En cette saison il devrait déjà faire - 20°C, voire - 25°C dans le Tchoukotka, mais le thermomètre stagne autour des - 15°C. La banquise n'est pas assez épaisse, pas assez solide : les ours polaires, privés de leur terrain de chasse, n'ont plus de phoques à se mettre sous la dent. Ils se déplacent en bande sur la terre ferme, plus près des hommes (un ours peut sentir une odeur de déchet ou de nourriture à plusieurs kilomètres).

Les enfants ne vont plus à l'école à pied

Les habitants sont allés disperser des cadavres de phoques, à bonne distance de leurs maisons, pour nourrir les ours et les tenir loin de village. Une solution provisoire. Il s'agit de "tenir" jusqu'à ce que la banquise se forme (ce samedi 7 décembre une chute des températures est attendue, la glace pourrait commencer à se solidifier dès le milieu de la semaine prochaine).

Par précaution toutefois, tous les événements publics ont été annulés, les enfants ne vont plus à l'école à pied, des volontaires ont organisé des patrouilles... et si les ours s'approchent vraiment trop près, les villageois ont prévu de déclencher des fusées de détresse ou d'allumer des feux pour les éloigner.

Pas question en revanche de les tuer, l'ours polaire est une espèce en danger, sa chasse est interdite en Russie.

Les ours face aux hommes: bientôt la norme ?

Pour l'instant la situation est sous contrôle. Mais certaines voix s'élèvent en Russie pour demander une évacuation permanente du village. Parce qu'avec le réchauffement climatique, ce genre de situation est appelé à se reproduire.

En février cette année - toujours dans l'Arctique mais un peu plus à l'ouest - l'archipel de Nouvelle-Zemble avait vécu une situation similaire, avec des ours affamés et agressifs s'introduisant dans des déchetteries et même des halls d'immeubles.

Les autorités avaient instauré l'état d'urgence, tenté de les chasser en diffusant des bruits par haut-parleurs et en allumant des projecteurs. Les ours avaient finalement été endormis et déplacés de plusieurs dizaines de kilomètres.

Mais le constat est là : dans l'Arctique - comme dans l'Antarctique - la fonte des glaces s'accélère. Les ours polaires sont des réfugiés climatiques : d'après le WWF, l'organisation de protection de la nature, la banquise recule d'environ 13 % tous les dix ans

La survie des ours en question

Les ours, qui se trouvent au sommet de la chaîne alimentaire, sont particulièrement sensibles à l’état de santé de leur écosystème.

Quand la période de chasse se raccourcit, leur jeûne dure plus longtemps et leur état de santé se dégrade. Conséquence, les taux de reproduction baissent, la mortalité des oursons mal nourris augmente. Les scientifiques ont relevé des situations de cannibalisme, où les adultes mâles mangent les petits.

Les chercheurs estiment « hautement probable » une diminution de 30 % de la population d’"Ursus maritimus" d’ici à 2050.

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