En Colombie, l'entrée en campagne d'Ingrid Betancourt bouscule l'échiquier politique
Ce pays d'Amérique du Sud est en pleine campagne électorale. Une campagne secouée par le retour sur la scène de l'ex-otage franco-colombienne. Elle se lance dans la course à la Présidence.
Elle l’a annoncé le 30 janvier : elle est candidate à la présidence de la République. Et depuis cette annonce, l’échiquier politique est secoué. Le journal El Pais America écrit même "Betancourt met le feu à la campagne électorale". Ingrid Betancourt possède la double nationalité franco-colombienne. Elle est aujourd’hui âgée de 60 ans. Et sa détention par la guérilla marxiste colombienne des FARC avait marqué les esprits : elle avait été retenue pendant 6 ans de 2002 à 2008 avant d’être libérée lors d’une spectaculaire opération militaire.
Dans ce pays de 50 millions d’habitants, la grande séquence électorale à venir va se dérouler dans le sens inverse de la France : d’abord des législatives le 13 mars, puis le 1er tour de la présidentielle le 29 mai avant un second tour, si nécessaire le 19 juin. Ingrid Betancourt avait d’abord envisagé de participer à une primaire du centre, mais elle s’est ravisée : elle se lance directement dans la course sous l’étiquette d’un parti écologiste, Vert oxygène. Ses premiers spots de campagne, dévoilés mercredi, sont surprenants. Sur fond vert, évidemment, ça s’intitule "Una cerveza con Ingrid". Une bière avec Ingrid. Venez boire une bière avec moi, on parlera de l’avenir du pays. Premier rendez-vous jeudi 3 février au soir dans un restaurant de Bogota.
Quiero tomarme una cerveza con ustedes mientras hablamos sobre el país, sobre el futuro, sobre sus sueños, inquietudes y esperanzas. ¡Conozcámonos! Quiero conversar con ustedes. Nos vemos mañana en ElBarrio, calle 39#21-11. pic.twitter.com/3Ew1cmuGi7
— Ingrid Betancourt (@IBetancourtCol) February 3, 2022
Une figure controversée
L'ex-otage est un personnage assez controversé en Colombie, beaucoup plus qu’en France où elle bénéficie d’une image très positive. De nombreux Colombiens reprochent à Ingrid Betancourt d’être une héritière, une incarnation de ces grandes familles d’origine européenne qui ont accaparé le pouvoir dans le pays. Et puis elle a été accusée d’avoir cherché à instrumentaliser sa détention, à en tirer profit médiatiquement, et aussi financièrement puisqu’elle avait un temps cherché à obtenir un dédommagement de l’État colombien.
C’est pour cette raison qu’elle part de loin dans les sondages, créditée de seulement 3, 4, 5%. Mais elle possède un atout : elle va faire campagne non pas tant sur l’écologie que sur la lutte contre la corruption. C’est son cheval de bataille, et l’un des grands sujets de débat dans le pays : la pandémie a plongé la moitié de la Colombie dans la pauvreté pendant que les élites au pouvoir donnaient l’impression de se désintéresser de la situation. La côte de popularité du président de droite Ivan Duque, est au plus bas, à peine au-dessus de 20%.
Sortir du duel droite-gauche
La candidate veut donc proposer une alternative au duel droite-gauche. Bien sûr, l’opposition droite-gauche demeure structurante en Colombie. C’est un héritage du conflit contre les FARC qui a duré 50 ans. Et aujourd’hui le candidat de gauche, ancien maire de Bogota, Gustavo Petro fait la course en tête. S’il l’emporte, il ferait d’ailleurs vraiment basculer l’Amérique du Sud après les récents succès des partis de gauche au Chili, au Pérou, en Argentine. Mais les enquêtes d’opinion montrent que ce duel ne satisfait pas les électeurs qui sont nombreux à se définir comme centristes. C’est donc le pari d’Ingrid Betancourt : faire voler en éclat tout l’échiquier politique et devenir par la même occasion, la première femme à accéder à la présidence en Colombie.
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