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Économie : en Allemagne, une crise budgétaire fait trembler toute l’Europe

L’Allemagne a longtemps été présentée en modèle pour la gestion rigoureuse de son budget. Mais ces jours-ci, Berlin fait face à une crise : impossible de boucler le budget de 2024. Et cela inquiète toute l’Europe.
Article rédigé par Frédéric Says
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Dôme enneigé du Reichstag, où la commission du budget organise une audition publique sur le budget supplémentaire pour 2023, le 5 décembre 2023. (KAY NIETFELD / DPA/picture-alliance/Newscom/MaxPPP)

Le sujet sera sur la table des ministres des Finances européens, qui se réunissent cette fin de semaine à Bruxelles. Jusqu’ici, jamais l’Allemagne n’avait vraiment fait parler d’elle sur la gestion de ses deniers. C'était plutôt le bon élève de la classe européenne avec des finances au carré, pas de déficit, peu de dette, une image d’un pays "fourmi", en contraste avec les pays "cigales" que sont la France, l’Italie et quelques autres dépensiers. Cependant, paradoxe de l’histoire, c’est justement cette gestion très rigoureuse, très stricte sur les règles, qui plonge Berlin dans la tourmente. L’Allemagne n’arrive toujours pas à boucler son budget pour 2024, qui commence dans moins d’un mois…

Berlin refuse d'alourdir la dette

Comme tous les États européens, l'Allemagne doit investir des dizaines de milliards d'euros dans la transition énergétique. Pour payer ces lourdes dépenses, Berlin espérait pouvoir piocher dans la réserve de 60 milliards d’euros du fond de relance, versé par l’Union européenne. Cependant, cet argent était prévu pour faire repartir l’économie après la crise du Covid, et la cour constitutionnelle allemande a mis son veto. Les juges ont estimé que ces fonds ne pouvaient pas être utilisés pour d’autres dépenses que celles prévues à l’origine. Résultat : il manque 17 milliards d’euros pour boucler le budget 2024, en plus de plusieurs dizaines d’autres milliards devant servir à financer la transition énergétique. Cette transition, étalée sur ces prochaines années, comprend entre autres l’isolation des logements et l’implantation d’usine de batteries ou de réseaux d’énergies renouvelables.

Emprunter ces milliards d'euros sur les marchés financiers, c’est ce qu’aurait fait la France, quitte à alourdir encore un peu plus la dette. Mais ce réflexe de l’endettement est tout sauf naturel pour les Allemands. Il y a 15 ans, ils se sont même imposés une règle ultra-stricte, écrite dans la Constitution : quasi-interdiction de tout déficit public, sauf situation d’urgence. Le Covid a été considéré comme une situation d’urgence, désormais nous en sommes sortis. Retour à la normalité.

Fracture au sein du gouvernement à l'approche d'un sommet houleux à Bruxelles

Cette question budgétaire fracture même le gouvernement allemand, qui est composé de trois tendances différentes. Les Libéraux d'un côté, très attachés à un déficit zéro, et de l'autre les Verts et le centre-gauche, volontiers plus ouverts à une hausse des dépenses publiques soutenue par une éventuelle augmentation d’impôts. Pour supprimer cette règle interdisant l'endettement, il faudrait un vote des deux tiers des députés allemands, ce qui est impossible arithmétiquement.

Cette crise allemande préoccupe beaucoup les pays européens. Les responsables politiques allemands, focalisés sur ce dossier, délaissent les sujets européens. Or, dans dix jours, du 13 au 15 décembre, un sommet crucial est prévu à Bruxelles, avec les chefs d’État et de gouvernement, notamment pour décider d’ouvrir ou non les négociations pour l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Ce n’est pas un petit sujet.

De plus, les 27 doivent débattre d’éventuelles rallonges au budget européen, entre autres pour aider l’Ukraine avec une provision de 50 milliards d’euros supplémentaires, ou pour financer justement la transition énergétique, ou la protection des frontières de l’Union européenne. Mais avec une Allemagne condamnée à racler les fonds de tiroir, impossible d’imaginer ces rallonges, pourtant espérées par de nombreux pays très soucieux. Voilà pourquoi le blocage allemand pourrait devenir un blocage européen.

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