À l'image du canal de Suez, les 14 grands carrefours commerciaux mondiaux sont vulnérables
Le porte-conteneurs Ever Green est échoué depuis le 24 mars dans le canal de Suez en Égypte. Et les secours ont à nouveau échoué ce vendredi à déplacer le bâtiment long de 400 mètres et lourd de 200.000 tonnes. Du coup, tout le trafic maritime est paralysé autour de Suez. C’est un révélateur de nos fragilités vis-à-vis de ces "goulets d’étranglement" du commerce mondial.
Le think tank britannique Chatham House a recensé 14 goulets d'étranglement répartis sur la planète. A eux seuls, ils voient passer 55% du commerce mondial et leur rôle ne cesse de s’accroître : il y a 15 ans, c’était 43%. Les deux principaux sont les canaux de Suez et de Panama (en Amérique Centrale). 12% du trafic passe par Suez. 10% par Panama. Dans les deux cas, le trafic s’est accru avec l’élargissement du canal, en 2015 pour Suez, en 2016 pour Panama, qui voit défiler 40 bâtiments par jour, et ¼ du commerce mondial de soja. Bon nombre des autres goulets d’étranglement de la planète sont également maritimes: le détroit de Malacca en Asie du Sud, qui voit passer 18% du trafic mondial de céréales, la Manche entre Douvres et Calais, Gibraltar entre l’Espagne et le Maroc, le Bosphore et les Dardanelles en Turquie, le détroit d’Ormuz au large de l’Iran essentiel pour le pétrole, et le détroit de Bab Al Mandab entre le Yémen dans le Golfe Persique et l’Éthiopie en Afrique. S’y ajoutent quelques axes clés à l’intérieur des terres : le fleuve Mississipi aux États-Unis, les axes routiers internes au Brésil, les lignes de chemin de fer russes vers la mer Noire. Tout cela forme une carte fascinante des plaques tournantes du commerce mondial.
La menace climatique
Ca veut dire aussi qu’on est très dépendant de ces 14 carrefours, et ça présente un risque. C’est ce qu’écrit l’institut Chatham House. Il y a plusieurs soucis. Le premier c’est le vieillissement des infrastructures dans certaines de ces zones clés. C’est vrai pour les rives du Mississipi, pour les structures ferroviaires en Russie, et pour les routes de l’intérieur du Brésil : elles ne sont bitumées que pour 12% d’entre elles. Le deuxième problème, le plus inquiétant, c’est l’impact du réchauffement climatique. Surtout dans les zones maritimes. Les phénomènes météo violents augmentent en nombre. Et ils peuvent bloquer ces nœuds commerciaux. En l’occurrence, le porte-conteneurs Evergreen a été désaxé en travers du canal par une tempête de sable et des vents violents. Autre effet du changement climatique : la montée des eaux peut inonder certaines installations portuaires et empêcher, à terme, certains navires de passer sous des ponts, par exemple dans le Bosphore en Turquie. S’y ajoute les risques indirects : le réchauffement provoque des sécheresses, donc peut engendrer en chaine des troubles politiques, qui un jour peuvent affecter ces installations. On pense au terrorisme.
Un manque de coopération internationale
Donc il faut protéger ces nœuds commerciaux et la logique, c’est une coopération internationale pour améliorer la sécurité de ces 14 endroits clés du commerce. Puisque tout le monde y a intérêt. En l’occurrence, par exemple, plus de 200 navires sont déjà bloqués par l’interruption du trafic dans le canal de Suez. Et c’est handicapant pour l’Europe comme pour l’Asie. Pétrole, céréales, semi-conducteurs, tout est retardé. Sauf que cette coopération internationale ne se met pas en place. Parce que ces carrefours commerciaux sont entretenus jalousement par les pays où ils sont situés. Dans le cas de Suez par exemple, la portée symbolique du canal est énorme pour l’Égypte depuis sa nationalisation par Nasser en 1956. Ces grands carrefours commerciaux mondiaux sont donc vulnérables.
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