Taxis : comment « licencier les licences » ?
Voilà effectivement un blocage français. Le constat est simple : il y a aujourd’hui moins de 50 000 taxis en France, dont 15 000 à Paris. Soit un pour 150 habitant, dans la capitale. C’est moins qu’en 1925. A Marseille, il y en a un pour 800 habitants ! La principale raison de cette pénurie : le système des licences, qui fixe le nombre de taxis de manière rigide. Pour pouvoir exercer leur métier, les taxis doivent acheter leur plaque, comme on dit dans le métier. Comme elle est rare, elle est chère. Une bulle s’est créée. Au début des années 2000, la licence se négociait à Paris autour de 100 000 euros. Ca va jusqu’à 200 000 aujourd’hui. C’est là que le cercle vicieux se referme : les chauffeurs sont obligés de s’endetter lourdement pour l’acquérir. Ils sont eux-même victimes du système car ils doivent travailler parfois 13 à 14 heures par jour, dans des conditions de plus en plus difficiles, pour un revenu ponctionné par les charges de remboursement. Mais il n’est pas question pour eux d’accepter une remise en cause de ce numerus clausus. Parce que si la profession s’ouvre, il ne faudra plus payer pour entrer et la licence ne vaudra plus rien. C’est leur patrimoine – souvent leur future retraite – qui partira en fumée. Voilà pourquoi depuis 50 ans aucun gouvernement n’a pu réformer les taxis.
Mais est-ce que l’on peut en rester au statu quo ?
Non parce que, comme pour toutes les professions ainsi réglementées (il y a aussi les pharmaciens, les notaires), de telles limites sont un frein au développement des services, donc à la croissance. Si on compare à Londres ou New-York, il y a largement assez de demande pour doubler le nombre de taxis en France et créer, au minimum, 50 000 emplois. Mais comment faire ? Dans un livre très stimulant - titré « La fin des privilèges » (Hachette Littératures), les économistes Jacques Delpla et Charles Wyplosz viennent de proposer une solution pour, disent-ils, «licencier les licences sans chauffer les chauffeurs ». En même temps qu’il ouvrira le marché, l’Etat doit indemniser chaque professionnel au prix exact de la licence. Le coût – 5 milliards - serait financé avec une taxe payé par les clients : 1 euro par course au maximum. L’idée qui est derrière, c’est que si l’on veut réformer sans prendre le risque de paralyser le pays, il faut offrir à ceux qui bénéficient d’une protection ou d’un statut une compensation. Faire du donnant-donnant. En période de vache maigre, c’est difficile. Mais ce qui se passe avec les taxis est un cas d’école.
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