Places boursières, les grandes manoeuvres

Ce ne sont pas les soldes de fin d'année mais il est vrai que la crise n'arrête pas les affaires. On pourrait se dire : ça y est... c'est encore un nouveau coup des américains pour mieux avaler les européens... en rachetant le gestionnaire des bourses de Paris, mais aussi des places de Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne, les Etats-Unis étendent leur suprématie sur le Vieux Continent. Et bien contrairement aux apparences, ce n'est pas le cas, on va voir pourquoi. D'abord, on peut tirer au moins 3 enseignements de cette affaire. 1/ le rachat de NYSE EURONEXT par InterContinental Exchange est une pierre jetée dans le jardin de la Commission européenne qui a refusé il y a un an la fusion entre ce même NYSE EURONEXT et la Deutsche Borse. Les deux opérateurs voulaient se rapprocher pour éviter d'être avalés par un conglomérat américain déjà composé à l'époque d'InterContental Exchange allié au Nasdaq, mais les autorités de la concurrence avaient dit niet. Cette fois, ICE revient à la charge SEULE dans le cadre d'une opération AMICALE. 2/ cette opération est le signe d'une mutation des marchés. En rachetant NYSE EURONEXT, ICE met la main sur une de ses filiales pépites (le Liffe) qui gère ce que l'on appelle les produits dérivés et les matières premières. Ces marchés remplacent de plus en plus celui des actions traditionnelles car ils sont plus rentables. Ce qui nous amène au troisième point : les sociétés de bourse se transforment de plus en plus en SSII (des sociétés de services informatiques, des opérateurs électroniques) ce qui pose des questions sur la nature même du métier boursier qui est de financer les entreprises pour leur permettre de se développer.

Vous laissiez entendre que ce rachat de l'opérateur de la bourse de Paris par l'américain ICE n'était pas forcément une mauvaise opération pour nous, de ce côté de l'Atlantique...

Et bien non car, pour mieux se concentrer sur la branche produits dérivés, InterContinental Exchange veut revendre EURONEXT en le réintroduisant à la bourse en Europe... et là, c'est Bruxelles qui l'aura dans le baba parce qu'EURONEXT désormais indépendante pourrait profiter de l'occasion pour relancer son projet de fusion avec la DEUSTSCHE BORSE... ce qui aurait pour conséquence de donner enfin naissance à un poids lourd du marché action vraiment européen. En gros, ce que Bruxelles a bloqué l'année dernière va peut-être être débloqué grâce aux américains. Ce mouvement de concentration présente un autre avantage : il permet de lutter en partie contre ce que l'on appelle les " dark pools ", les réservoirs opaques, ces marchés parallèles anonymes qui échappent à toute régulation.  Reste à savoir comment va réagir la bourse de Londres qui gère aussi la place de Milan et lorgne aujourd'hui vers l'Asie. Oui, les grandes manœuvres dans le secteur boursier sont relancées. C'est l'effet crise. On réagit pour mieux se protéger.