La folie des Grenelle
Pour enterrer les problèmes, il faut créer des commissions, disait Clémenceau. Pour les résoudre, l’air du temps est aux Grenelle. Ségolène Royal et François Hollande, presque ensemble, ont réclamé hier un Grenelle du pouvoir d’achat. Face aux inquiétudes sur l’indépendance des médias, un Forum de journalistes a proposé un Grenelle de la presse. Le monde du spectacle a demandé un Grenelle de Culture. Le Haut Commissaire aux Solidarités Martin Hirsch lance vendredi le Grenelle de l’Insertion. Devant les maires de France, Sarkozy s’est dit prêt à un Grenelle de la fiscalité locale. Derrière cette enfilade, il y la référence à mai 68 : en pleine crise, patronat, syndicat et représentants du gouvernement – dont un certain Jacques Chirac – se sont réunis au Ministère du Travail, rue de Grenelle à Paris, pour trouver une sortie à l’impasse sociale. Les fameux accords de Grenelle, qui n’ont d’ailleurs pas permis de stopper tout de suite les grèves, ont abouti à une augmentation des salaires et à une baisse de la durée du travail. Grenelle est ainsi devenu la marque déposée sur toute grande conférence entre les partenaires sociaux et l’Etat. Ironie de l’histoire : Nicolas Sarkozy s’est présenté comme celui qui va liquider l’héritage de mai 68. Et c’est avec lui que cette méthode de concertation revient en force alors qu’elle en est directement le produit
Mais justement, est-ce que c’est la bonne méthode ? Est-ce que l’on peut attendre de tous ces Grenelle des résultats concrets ?
C’est le succès du Grenelle de l’Environnement qui suscite cet engouement. Ca a été une machine à fabriquer du dialogue et du compromis. Il a permis de mettre autour de la même table des gens qui ne se parlaient pas, comme les écologistes et les agriculteurs. Mais il faut ensuite passer à l’acte et c’est une autre histoire. Aura-t-on les moyens de développer autant qu’on le dit les transports collectifs ou de rénover les bâtiments anciens ? On parle d’un Grenelle des impôts locaux mais dans le passé, toutes les tentatives de changer le système ont été stoppés au moment où on s’est aperçu que certains contribuables allaient devoir payer plus. L’intérêt d’un Grenelle, c’est de se donner du temps et de ce point de vue, un Grenelle des régimes spéciaux aurait peut être évité une grève brutale pour répondre à une réforme brutale. Mais les Grenelle ne sont pas comme les pains dans les Evangiles : leur multiplication ne sera pas en elle-même synonyme de miracle.
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