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Dette de l'Argentine : les leçons de la crise n'ont pas été tirées

L’Argentine pensait avoir fait le plus difficile en restructurant presque l'intégralité de sa dette après la faillite, mais une décision de la Cour suprême des Etats-Unis vient rebattre les cartes.
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (©Maxppp)

Au milieu des années 2000, le Président argentin Nestor Kirchner avait obtenu des marchés un effacement de 70% de la dette du pays. La majorité des créanciers avaient accepté sauf quelques-uns, des ‘’fonds vautours’’, des fonds spéculatifs basés aux Iles Caïmans dont la pratique est de racheter de la dette à vil prix pour la faire rembourser plus tard à des taux prohibitifs et en tirer ainsi un maximum de profits.

Ne l'entendant pas de cette oreille, Buenos Aires avait contesté devant les tribunaux qui ne lui ont pas donné raison. La sanction est tombée mercredi soir : la justice américaine impose à l'Argentine de rembourser rubis sur l'ongle ces fonds vautours à hauteur d'un milliard 300 millions de dollars.

Peut-on parler de bombe à retardement ?

C'est explosif pour ce pays d’Amérique latine déjà confronté à une érosion de ses réserves monétaires en raison notamment d'un déficit énergétique (à ce jour, il y a 28 milliards de dollars dans les caisses de la banque centrale du pays). Le couteau sous la gorge, Buenos Aires va négocier pour tenter d'obtenir un report des échéances mais l’affaire n’est pas simple.

Le FMI se dit inquiet des répercussions de cette défaite judiciaire. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, mardi soir, l’agence de notation Standard and Poor’s a abaissé la note souveraine de l’Argentine avec perspective négative. Cette spirale infernale pourrait conduire à un nouveau défaut de paiement. Le gouvernement argentin a d'ailleurs annoncé la nuit dernière être dans l'impossibilité de payer ses prochaines échéances.

L’effet boule de neige est-il possible sur d’autres pays ?

C’est ce que craignent toutes les grandes capitales. Bruxelles surveille la situation de très près, tout comme Paris qui a tenté d’influencer la justice américaine mais sans résultat. Si tout cela se confirmait, les répercussions seraient multiples :

1/ Si l’Argentine règle la somme demandée, les autres fonds seront en droit d’exiger le même traitement et de réclamer des sommes astronomiques majorées des intérêts. La facture ne s’élèverait plus à 1,3 mais à 16 milliards de dollars à rembourser. 

2/ Pour ce qui est des autres Etats asphyxiés financièrement, les créanciers qui étaient prêts à une éventuelle restructuration vont maintenant hésiter en raison du risque que les pays concernés ne puissent pas honorer leurs engagements. 

3/ Pour trouver l’argent, les plans de rigueur pourraient refaire surface, stoppant net les efforts de relance des différentes économies.

La morale

Nous sommes très loin d’en avoir terminé avec ces fonds mortifères qui continuent d’agir en toute légalité, qui plus est, soutenus par la rigidité de la justice américaine qui ne s’en tient qu’au droit. Cet épisode met surtout en lumière la nécessité pour la communauté internationale – et plus uniquement européenne – de se doter de mécanismes nouveaux, d’une législation nouvelle, d’une vraie régulation qui mette des garde-fous à cette finance anglo-saxonne sans foi ni loi, et rende le système moins dépendant des aléas judiciaires.

Nous sommes revenus pratiquement au point de départ. Les leçons de la crise n’ont pas été tirées, nous en avons ici la preuve flagrante.

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