De l'utilité de l'épargne salariale
L'épargne salariale c'est ce que les employés mettent de côté quand leur entreprise leur propose par exemple des systèmes d'intéressement au résultat. Jusqu'à présent, les sommes étaient bloquées sur des comptes pendant 5 ans mais à partir du 1er juillet, si le texte est adopté, les bénéficiaires d'épargne salariale (environ 7 millions de personnes France) pourront retirer pendant six mois tout ou partie de leurs avoirs jusqu'à 20.000 euros, exception faite des sommes placées sur un plan d'épargne retraite collectif (le PERCO) ou les fonds solidarité. Pour le reste, actions, titres et participations pourront être utilisés pour acheter des biens de consommation, sans être touchés par l'impôt et sans nécessiter de justificatifs. On estime aujourd'hui la manne disponible à quelque 7 milliards d'euros par an.
Autant d'argent qui peut être injecté dans la machine économique...
Cela n'est pas si évident. L'idée paraît séduisante à l'heure où le pouvoir d'achat est devenu l'une de nos préoccupations majeures. Mais tout dépend de la manière dont on analyse la crise. Le premier problème est-il la consommation des Français où les Français sans emplois, les salariés en péril ? La mesure de déblocage de l'épargne concerne une seule catégorie : celle qui a un emploi et qui a, certes légitimement, accumulé un capital dans l'entreprise. Deuxième point : sans justification d'achat en retour, qui dit que l'argent va réellement aller dans la consommation ? De précédentes expériences, menées notamment sous Edouard Balladur, montrent que les sommes débloquées se reportent majoritairement sur d'autres produits d'épargne. Cet argent que les salariés mettent de côté dans l'entreprise, c'est une immobilisation sécurisée de leur pécule pour préparer un complément de retraite ou servir en cas de coup dur. Utiliser ce cash pour de la consommation courante ou rembourser des prêts est-il judicieux ? On peut difficilement parler de gestion de ''bon père de famille''.
Donc pas très cohérent selon vous ?
Une nouvelle fois il y a un double discours. Un jour François Hollande se prononce en faveur d'une épargne longue (notamment en réorientant l'assurance vie vers l'investissement dans les entreprises), un autre jour, il casse ce discours en permettant d'ouvrir les coffres au prétexte de relancer la consommation (malgré toutes les réserves évoquées).
Il faut savoir que 60% de l'épargne salariale est aujourd'hui placée en actions, c'est à dire qu'elle permet à l'entreprise de consolider son actionnariat et d'investir. Une sortie massive d'argent réduira ses marges d'autant, ce dont elle n'a vraiment pas besoin aujourd'hui.
Donc idée apparemment séduisante pour l'opinion mais à relativiser sur le plan économique, sauf à considérer la discussion qui s'ouvre à l'Assemblée comme l'occasion de peaufiner le texte. Ce dernier est défendu par les députés Bruno le Roux, Christian Eckert et Catherine Lemorton et viendra en débat au Palais Bourbon le 13 mai.
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