Françoise Huguier : "Je suis différente des autres"
Françoise Huguier a débuté en 1983 avec des photos pour Libération, maintenant elle travaille pour des magazines du monde entier. Vogue, mais aussi Polka, dont elle fait la couverture et un portfolio de 42 pages Etranges beautés . C’est une sorte de rétrospective qui retrace son parcours en photo et que l’on peut voir à la galerie Polka à Paris jusqu’au 3 août.
Jusqu’au 31 août se tient également l’exposition Pince-moi, je rêve à la Maison européenne de la photographie à Paris. "Pince-moi je rêve c’est une expression d’ado et peut-être que je suis restée ado. Je rêvais d’aller au détroit de Behring et j’ai réussi à y aller et tout d’un coup j’ai dit : 'Pince-moi je rêve. Je suis au détroit de Behring.' '"
Enfin, François Huguier publie Au doigt et à l’œil , chez Sabine Wespieser, un autoportrait dans lequel il n’y a aucune image. "Comme il y avait cette exposition je ne voulais pas sortir un livre d’images. Je trouvais que c’était beaucoup plus provocateur de faire un livre sans image. " Dans ce livre elle emploi souvent le terme "excitant". "Quand j’arrive je suis très excitée parce qu’il faut prendre, prendre, prendre. C’est ça les photographes, on est de voyeurs et aussi on capte. C’est ça la photo, on est de collectionneurs. "
Son enfance
Françoise Huguier a passé son enfance au Cambodge dans une plantation d’hévéas, tenue par ses parents. On est dans les années 50. On ne peut pas la comprendre sans connaître un épisode tragique de sa vie qui bascule à huit ans. Elle est faite prisonnière, avec son frère de 12 ans, par le Viêt-Minh.
"On a été enlevés lors d’une fête au club, mon frère et moi, plus cinq adultes. Une femme a été libérée au bout d’une semaine, les deux autres hommes sont partis au Vietnam et mon frère et moi étions au Cambodge et avons été emmenés dans un camp dans la jungle. Ils ont tout fait pour endoctriner mon frère, il y avait les bêtes sauvages et les maladies. Cela a été assez violent. "
Au bout de huit mois, on lui annonce sa libération, mais elle ne veut pas retourner à sa vie d’avant. "Je ne voulais pas repartir, ce qui a beaucoup énervé le commissaire politique. " Finalement, elle retrouve ses parents. Alors que sa mère conduit pour échapper aux attaques, une femme meurt dans la voiture et lui laisse son bébé. Un bébé qui est revenu à Françoise Huguier et qui lui a dit : "J’ai 55 ans et je suis ce bébé . "
"C’est quand le livre est paru. Cela a été extraordinaire parce que nous avons toujours une relation. Il m’a envoyé des photos de ses parents. Je n’aurai jamais imaginé que des années après, ce petit bébé reviendrait vers moi. "
Une différence
Françoise Huguier a attendu très longtemps pour raconter son histoire dans un livre, car au début personne ne la croyait. "Toutes les petites filles jouaient à la poupée et dès que je leur racontait mon histoire, elle me traitait de menteuse. Donc, cela m’énervait et je criais. La religieuse m’a alors dit que si je continuais comme ça je ne ferai rien de ma vie à part raconter mon histoire. "
"Je pense que je suis différente des autres. Le fait d’être otage, en captivité, on est hors sujet, ce n’est pas normal. Donc j’étais tout le temps hors sujet et c’est ce qui est resté chez moi. "
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