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La France d'à côté

En février, après les attentats connus par la France, un collectif nommé Aggiornamento lançait une "adresse" sur Médiapart pour inviter des personnalités à venir rencontrer les élèves des quartiers populaires qu'il jugeait stigmatisés par certains médias et autres observateurs, suite aux attentats contre Charlie et l'Hyper cacher. J'ai répondu à cet appel. J'étais hier à Aubervilliers...
Article rédigé par Guy Birenbaum
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Franceinfo (Franceinfo)

Ce matin, l’autre info est à Aubervilliers


Après les attentats de janvier, le site mediapart a accueilli en février un texte intitulé "Adresse à certains intellectuels, journalistes, romanciers et à toutes celles et tous ceux qui croient connaître les jeunes des quartiers populaires". Ce texte émanait à l’origine d’un collectif nommé Aggiornamento. Il contenait une invitation : "Venez dans nos établissements des quartiers populaires, venez dans nos classes sur les bancs de nos élèves. Voyez comme ils écoutent et parlent, voyez comme ils pensent. Il ne s’agira pas pour vous d’une visite au zoo, il ne s’agira pas pour eux de vous séduire. Nous vous proposons une rencontre, un échange d’au moins une journée ".


Et vous avez été hier rencontrer une classe…

J’ai saisi l’invitation pour passer quelques heures au lycée Henri Wallon, 1.500 élàves, à Aubervilliers. Notamment avec la première ES de Camille Jouve. Le but de la rencontre était de comprendre comment ces mômes nous voient, nous les médias. Surtout comment ils nous voient les regarder. Une première surprise m’a cueilli. Je n’avais pas en face de moi des mômes qui gobent tout ce qui circule sur le Web et les réseaux sociaux. Tous connectés, s’ils ont tous un smartphone, sauf un élève, c’est davantage à la télévision ou via les sites des médias qu’ils s’informent. Même s’ils se méfient des journalistes à qui ils reprochent de ne pas les voir comme ils sont, mais comme nous voudrions qu’ils soient. ll faut les écouter parler de l’image du 93 (ils ne disent pas NEUF TROIS) telle que certaines chaînes la véhiculent. "J’ai l’impression qu’on utilise les jeunes du 93 comme objets " m’a lancé une jeune fille. "Comme divertissement " a même rajouté une autre.

Nous avons aussi évoqué la liberté d’expression, ses géométries variables, les traitements différents des caricatures de Charlie et des outrances de Dieudonné. Nous nous sommes même demandé si on peut ne pas être "Charlie". Puis nous avons abordé l’actualité. Les policiers innocentés dans l’affaire de la mort de Bouna Traoré et de Zyed Benna, l’accueil des migrants. Puis, à ma demande, nous avons parlé politique. Les mots qui sont venus ne vont pas vous faire plaisir Monsieur Woerth : "manipulation ", "stratégie ", "hypocrites ", "promesses non tenues ", "intérêts personnels ". Pourtant la plupart disent qu’ils iront voter lorsqu’ils en auront l’âge. J’ajoute monsieur Woerth qu’aucun d’entre-eux ne vous connaît. Comme quoi votre image n’est pas si abîmée que vous le pensez.

Après une bien belle discussion je les ai laissés en leur promettant de revenir. Et aussi de les faire venir un jour derrière ce micro pour poser leurs questions. Leurs questions qui ne sont pas les nôtres. Voilà… J’ai beaucoup appris hier, entre midi et 15h30, à quarante minutes d'ici, à Aubervilliers. Ne croyez-vous pas Monsieur Woerth que de telles discussions devraient être régulières pour les politiques, pour les intellectuels, comme pour nous les journalistes ?

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