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Si j'étais... Zine el-Abidine Ben Ali

La chute du président Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie remonte à six ans, presque jour pour jour. Karl Zéro s'est imaginé dans la peau de l'ancien président tunisien.

Article rédigé par franceinfo - Karl Zéro
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali à l'aéroport de Tunis, le 22 décembre 2010. (FETHI BELAID / AFP)

Si j’étais Zine el-Abidine Ben Ali, on fêterait un bien triste anniversaire : il y a six ans que j’ai quitté le sol de mon pays, la Tunisie, pour l’Arabie saoudite où je me fais chier comme un rat mort. Mais attention, je n’ai pas fui lâchement, comme j’ai pu le lire ! Ni en catimini, ni une main devant une main derrière, ça c’est des bobards ! Le 14 janvier 2011, il était 17h40, je m’en souviens comme si c’était hier, j’accompagnais tranquillement ma petite famille à l’aéroport de Carthage, jusque sur le tarmac où un avion les attendait pour gagner l’Arabie saoudite.

Djedda, c'est pas Las Vegas

Je voulais ensuite rentrer au palais présidentiel, pour siffler la fin de la récré et en finir une bonne fois pour toutes avec cette révolution bidon. Mais à ce moment-là, Ali Seriati – le type qui était chargé de ma sécurité – me fait : "Président, là, je ne peux plus assurer votre sécurité !" "Comment ça, triple buse ? Je te paye pour quoi, alors ?"  Mais il insiste: "Ce n’est pas prudent, il y a l’armée qui a rejoint les manifestants, ils vous attendent devant le palais…" Et hop ! il me force à monter dans l’avion. Il me dit : "Vous emmenez la famille à Djedda, et vous revenez aussitôt, ça nous laisse le temps de déblayer devant le palais".

J’aurais jamais dû l’écouter ! Ça fait six ans que j’attend de revenir ! A Djedda, en plus… Cette ville est un mouroir ! Ah, c’est pas Las Vegas, croyez-moi ! Pas moyen d’y trouver un rade pour siffler un canon ! Vous imaginez ? Avec Leila "Gin" Trabelsi, mon épouse qui a toujours le gosier sec !

Si j’étais Ben Ali, que constaterais-je, en regardant les infos tunisiennes ? Qu’aucune des promesses de cette pseudo-révolution n’a été tenue. Que partout, la contestation sociale s’étend, de la région de Ben Guerdane à Sidi Bouzid, qu’on scande les mêmes slogans qu’en 2011 comme : "Le travail est un droit, bande de voleurs !", que même votre Premier ministre actuel en est réduit à se lamenter sur l'échec des gouvernements successifs. Infoutus qu’ils ont été de tenir le moindre objectif économique, ou social, de leur révolution !

Marché "win-win"

Alors, je vous le demande: qu’attendez-vous pour me rappeler ? Le temps a passé. Je suis sûr que je vous manque, non ? Allez, un tout petit peu, au moins. Ben Ali, c’était le bon temps. Vous avez besoin d’un vrai président, d’un homme d’Etat d’envergure, qui vous connaisse. Il faut me rendre le pouvoir, avec les honneurs dûs à mon rang. Et me reloger dans mon palais de 332 pièces avec plage et héliport privés, piscines intérieure et extérieure, et surtout mon lit en argent massif. Et vous êtes priés de remettre les 175 millions d’euros en liquide dans les coffres planqués derrière ma bibliothèque.

En échange, je vous promet de créer 500 000 emplois, de vous rendre votre dignité, de mettre fin à la corruption, de ne plus jamais faire tirer sur mon peuple même quand il m’agace, ni d’avoir recours à la torture quand il m’exaspère, je vous jure que les prix baisseront, que la presse et internet seront plus libre que jamais…Plus d’écoutes téléphoniques, ni d’erreurs 404, et tiens, l’avenue Habib-Bourguiba sera rebaptisée avenue Mohamed-Bouazizi.

Et si voulez, même – allez c’est les soldes – je divorce ! Oui, je coupe les ponts avec Leïla et le clan Trabelsi qui nous ont fait beaucoup de mal  à vous mais à moi… encore plus. Ils ont profité de mon grand âge et de ma gentillesse légendaire. Je les ferais tous traduire devant l’instance vérité et dignité ! Voilà, si j’étais Ben Ali, le marché "win-win" que je proposerais à mon peuple. Ils peuvent tout me demander, sauf évidemment de rendre les cinq milliards qu’on placés à l’étranger 23 ans durant. Faut pas déconner non plus.

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