Si j'étais... Mohamed Tamalt
Le journaliste algérien Mohamed Tamalt est mort dans des cicrconstances très floues dimanche en prison. Il était incarcéré pour "offenses aux institutions et au président." Karl Zéro s'imagine à sa place.
Si j’étais Mohamed Tamalt, je serais un journaliste algérien qui vient de mourir en prison. J’étais incarcéré pour insulte au président algérien, le toujours en exercice Abdelaziz Bouteflika, mort également, mais sans qu’il ne veuille le reconnaître, lui. Mon pays est donc dirigé par un mort, avec à sa solde une ribambelle de morts-vivants qui lui font croire qu’il est vivant, et pour ce faire astiquent religieusement sa statue tous les matins. Mais comme ils en vivent grassement, on ne peut pas leur en vouloir. Faut bien croûter, n’est ce pas ? L’Algérie, c’est Walking Dead au pays de l’or noir. Et la base line, c’est "dans le Djebel personne ne vous entendra crier".
Si j’étais Mohamed Tamalt, je serais bien forcé de vous parler de moi au passé : je vivais en Angleterre, possédant la double nationalité algérienne et britannique. J’écrivais tous les jours sur ma page Facebook, je disais franchement ce que je pensais des généraux, du pseudo-FLN, de cette clique invraisemblable qui dirige le pays depuis 54 ans. Ces gens avec qui, vous les Français, faites du business depuis qu’ils vont ont chassés, tout en vous laissant plus ou moins accès à notre pétrole dans le sud.
Bref, j’écrivais des textes polémiques, et des poêmes. Par exemple, en 2015, je me suis attaqué à M. Saïdani, secrétaire général du FLN jusqu’à octobre dernier, mettant en doute son honnêteté. Il m’a téléphoné, et j’ai enregistré ce qu’il me disait : "Écoute moi, espèce de chien, fils de chien, fils de chienne, espèce de minable, sois maudit, viens ici m’affronter en homme, minable fils de minable !" Vous voyez l’ambiance.
Arrêté en rendant visite à mes parents
Début juin, je suis allé voir mes vieux parents en Algérie. Mauvaise idée. Je pensais que même si on critique le régime algérien sur internet on a le droit d’aimer ses parents. En fait, non. Le 27 juin, j’ai été arrêté devant chez eux, et aussitôt placé en détention. J’ai fait remarquer au juge que la constitution algérienne ayant été amendée le 7 mars, elle me garantissait un droit à la liberté d’expression, en vertu de l'article 48. Il m’a répondu : "Taratata, offense au Président de la République et diffamation envers tout corps constitué ou toute autre institution publique" ça veut dire en prison, M. Tamalt. J’ai dit : "Au pire, ce qui est prévu dans votre loi, c’est une amende mais en aucun cas de la prison." Il m’a dit : "Ah bon? Alors prison en préventive ! " et je me suis retrouvé en cellule.
Si j’étais Mohamed Tamalt, le 11 juillet dernier, un tribunal d’opérette m’aurait condamné à 2 ans de prison ferme. Amnesty International a eu beau demander aux autorités de me libérer sans conditions, et d’annuler cette condamnation, les autorités n’ont pas répondu. J’ai alors entamé une grève de la faim, ce qui quand on est diabétique n’est pas une idée terrible en soi, mais franchement... il ne me restait que ça. On ne peut pas dire que mes collègues de la presse algérienne se soient beaucoup bougés. Même pas une oreille, mais je ne leur en veux pas, car faut bien croûter. Les surveillants de la prison non plus d’ailleurs, ça les faisait même plutôt marrer de voir un gros comme moi maigrir aussi rapidement. La suite et la fin de mon histoire, c’est un communiqué de l’administration pénitentiaire algérienne qui vous la raconte: "Le prisonnier Tamalt a bénéficié d’un suivi médical et de médicaments mais il a eu un accident vasculaire cérébral qui a nécessité une intervention, puis son état s’est subitement dégradé en raison d’une infection pulmonaire et il est décédé."
Un peu comme Polnareff, quoi, mais en vrai. Je n’attends rien de la France, car elle ne fera rien. Je n’attends rien de l’Algérie, car elle ne s’excusera jamais. J’attends juste que les Algériens se réveillent d’un cauchemar qui dure depuis 54 ans.
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