Si j'étais... Marine Le Pen

Si j’étais Marine Le Pen, je devrais être aux anges, ce matin puisque le sondage du jour me donne présente au second tour de la présidentielle et ce, quelque soit le cas de figure.

Mais je ne le serais pas, aux anges. A cause de mes militants... Ces mufles, arborant des t-shirts "C’est nous les gars de la Marine", ont pris à partie des journalistes lors de mon meeting de rentrée à Brachay... "Vous les journalistes, vous êtes avec eux ! Vous êtes 'arabéïsés' (sic) ! Vous êtes dans l'islamisme ! Vous êtes avec eux, vous êtes tous des pédés ! Les journalistes sont tous des pédés !" 

"Arabéïsés" ! Outre cette inacceptable faute de français que mon fin lettré de père Jean-Marie n’aurait pas supporté, si j’étais Marine je ferais une bonne fois pour toutes le ménage au sein de mon "propre" parti. Enfin... de mon parti, disons. J’ai déjà abandonné successivement les slogans vengeurs, la flamme et le nom du Front National... Pour achever ma grande mue démocratique, et de larve haineuse me transformer en glorieux papillon tricolore, il ne me reste qu’à me séparer... de mes électeurs !

C’est vrai quoi, mettez-vous à ma place : ce sont des êtres grossiers, violents, stupides, c’est bien simple : je ne peux plus les voir ! Et ça tombe bien, parce que sous peu, je n’en n’aurais plus aucun. Je ne vais même pas avoir à les chasser. J’explique. Mon nouveau discours oscille entre Paul Déroulède et Guaino sous Prozac, ma nouvelle star c’est le Général De Gaulle et mon credo "le lien d’amour que j’ai tissé avec le peuple de France".

Evidemment, ça leur passe total au dessus du béret basque à mes électeurs. Les envolées lyriques et républicaines, ça les gave... Je l’ai encore constaté à Brachay, ma nouvelle réthorique de la "France apaisée", ils s’en contre-cognent, ces bœufs.
Eux, ils veulent du brutal, du bien senti, du facile à retenir comme le slogan "Fais ta valise, Mohammed !" popularisé en son temps par Papa. Traduit en sarkozien ça donne : "Il faut modifier le droit du sol et supprimer le regroupement familial". Et c’est ainsi qu’il va réussir à tous me les piquer... A mesure que je m’échine à devenir fréquentable, je perd du monde, et Sarkozy fait la voiture balai...

Si j’étais Marine, quelque chose me dirait que ça sent le pâté au FN... Normalement, entre attentats, Brexit et burkini, je devrais être à 65% minimum dans les sondages. Et pourtant j’oscille entre 26 et 29%. A croire que mes idées extrémistes sont devenues politiquement correct...

C’est fatal, je vais me retrouver toute seule. Les plus excités de mes anciens supporters vont retourner moisir chez Papa, qui n’a rien compris au film (tous les soirs, il croit qu’il y a La Bataille d’Alger à la télé) pendant que les autres auront atterri chez Sarkozy...

Je vais rester seule avec Philippot. Mais il ne pourra pas m’engueuler parce que tout ça, c’est de sa faute, à ce pé...à ce salaud !

Je remercie le Seigneur de ne pas être Marine Le Pen.