Cet article date de plus de sept ans.

Si j'étais... James Comey

Karl Zéro s'est mis dans la peau de James Comey, l'ancien directeur du FBI entendu jeudi par le Sénat sur les circonstances de son limogeage par Donald Trump.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
James Comey lors de son audition devant le Sénat, le 8 juin 2017. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Si j’étais James Comey, l’ancien patron du FBI limogé par Trump, j’aurais témoigné jeudi 9 juin, pendant 2h40 s’il vous plaît, devant le Sénat américain, et en Mondiovision. Les français en ont oubliés, paraît-il, leurs législatives. Faut dire qu’elles ne sont pas bien passionnantes non plus, à c’qui parait… Bref, la question était de savoir si Trump m’avait oui ou non demandé d’arrêter mon enquête sur ses rapports "curieux" avec les Russes. La réponse est oui, évidemment, mais moi j’ai botté en touche la plupart du temps, joué au grand policier, calme, posé, précis, intègre, j’ai vanté ma carrière exemplaire…

Comme si j’avais à m’excuser, à regretter… Foutaises, tout ça. C’est aujourd’hui que je regrette amèrement mes silences, ma prudence de jeudi. Il m’a quand même viré uniquement pour ça, ce guignol, et moi jeudi j’avais la main, je pouvais casser la baraque, le faire destituer… Et j’ai écrasé.

Et là, j'ai répondu non

Si j’étais James Comey, je me dirais (séquence introspection) : James, jeudi, franchement… pourquoi t’as pas eu de couilles ? Qu’est ce que tu risquais à dire la vérité dans ce dossier ? T’es déjà viré, non ?

"Directeur Comey, est-ce que le Président, à un quelconque moment, vous a demandé d'arrêter l'enquête du FBI sur l'ingérence russe dans l'élection américaine de 2016 ?" Et là je me suis entendu répondre : non.

De quoi j’avais peur, au fond ? Je suis trop connu, maintenant, pour disparaître subitement dans un accident stupide et inexplicable… je ne risquais pas grand chose, et pourtant j’ai pas bronché. En fait de dur à cuire , je crois que je suis un baltringue.

Reality Winner, elle, n'est pas une baltringue

Si j’étais James Comey, j’aimerais être de la trempe d’une Reality Winner – ça ne s’invente pas, comme nom. Ce n’est pas une star, c’est une petite texane de 25 ans. Jeudi, pendant que je faisais le malin devant le Sénat, elle passait devant un juge. Elle risque 10 ans de prison, elle. Comme lanceuse d’alerte. La première de la génération Trump…

C’est une ancienne de l’Armée de l’air entrée chez Pluribus en février dernier, une boîte qui bosse pour la NSA. Dans le cadre de son travail – ultra confidentiel, faut-il préciser – voilà qu’elle tombe sur des documents qui démontrent que des hackers russes ont tenté de truquer le résultat des élections américaines, en piratant l’entreprise qui fournit les machines de vote américaines… En gros, exactement le genre d’ingérence dont Trump ne veut absolument plus qu’on parle, et dont j’étais bien trop averti à son goût. Reality Winner a filé les documents à un site internet, qui les a publiés direct. Reality n’est pas anti-patriote, bien au contraire, mais voilà elle n’aime pas Trump. C’est "une merde" a-t-elle écrit en février sur Facebook, doublé d’un "fasciste orange", a-t-elle renchéri sur Twitter. 

Reality va avoir du mal à s’en tirer, c’est clair; elle va être jugé au nom de l’Espionage Act, un texte du début du XIXe siècle qui interdit d’expliquer pourquoi on a commis un délit… Mais au moins – même si elle a foutu sa carrière en l’air – elle aura sa conscience pour elle. Ce qui n’est, si j’étais James Comey, plus tout à fait mon cas.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.