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Sommets internationaux : pour le sociologue Jean Viard, "l'avenir de l'Europe se joue beaucoup dans son engagement, ou pas, vis-à-vis de l'Afrique"

G20 à New Delhi, sommet des BRICS, sommet africain pour le climat à Nairobi, comment ces sommets internationaux peuvent-ils influer et façonner le monde de demain ? Pour le sociologue Jean Viard, la grande question de société, c'est l'Europe et l'Afrique.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président du Kenya, William Ruto (au centre) entouré d'autres leaders africains, lors de son discours de clôture du Sommet africain pour le Climat de Nairobi, le 6 septembre 2023. (SIMON MAINA / AFP)

Les grands sommets internationaux – le G20 qui s'achève ce dimanche 10 septembre à New Delhi, ces derniers jours, le premier sommet africain pour le climat au Kenya, à Nairobi, celui des BRICS aussi, les pays émergents, fin août en Afrique du Sud – ont-ils une influence concrète pour l'avenir de notre monde ? C'est la question de société que décrypte le sociologue Jean Viard. 

franceinfo : Est-ce que ces sommets façonnent le monde de demain ?

Jean Viard : En partie, oui. On est entré dans une période au fond, multipolaire, où l'Occident reste techniquement, scientifiquement, extrêmement puissant. Mais on voit bien qu'il y a des pays comme la Chine, qui deviennent aussi très puissants. Et puis il y a des grands univers de population comme l'Afrique, qui va bientôt compter 2 milliards et demi d'habitants, qui, économiquement est beaucoup plus faible, mais considérable en peuplement. Donc tout cela entraîne des renégociations.

On est dans une période où on sait qu'on a tous un commun, qui est de sauver l'humanité, face à l'évolution du climat et de la nature, parce qu'il n'y a pas que le climat qui pose problème, mais aussi l'ensemble des questions des écosystèmes. Et puis, de l'autre côté, effectivement, on reste des concurrents économiques et aussi des concurrents, en termes de valeur. Et donc, il y a tous ces enjeux qui se jouent. C'est comme des plaques tectoniques qui s'articuleraient et qui se télescopent.

Quand on regarde derrière nous, face à cet état de fait, on voit que ces sommets internationaux ont du mal à avancer. Là, l'ONU du climat a dit déjà que les ambitions des membres du G20 en matière climatique sont tristement inadaptées, n'abordent pas les questions cruciales. Et on ne compte plus les COP qui ont pu être décevantes. Est-ce qu'il faut persévérer dans cette voie, parce qu'il y a quand même une forme d'aveu d'échec ?

Non, je ne dirais pas ça comme ça. On est dans des périodes de négociations, donc forcément, on dit non, il y a le feu, attention – quand on a vu ce qui s'est passé, cet été, au Canada ou en Grèce, c'est monstrueux. Donc la nature va plus vite que nos prévisions. Et donc, effectivement, le fait que le monde est en train de se désorganiser dans l'équilibre qu'on avait connu, et qu'on en est largement responsable, voire totalement responsable, je crois qu'on est en train d'avancer dans cette idée.

Donc après, c'est une bataille de pression, y compris l'ONU, parce que le secrétaire général de l'ONU est très avenant sur ces questions. Il est très bagarreur, il a tout à fait raison. Mais ce n'est pas parce qu'on veut faire pression qu'il ne se passe rien. Regardez ce qui s'est passé en Afrique au Kenya. C'est quand même la première fois que les Africains se posent eux-mêmes à partir de leurs territoires et de leurs problèmes propres, la question du réchauffement climatique. Donc, moi, je vois ces choses se faire.

Ce sommet du climat au Kenya, qui a abouti mercredi à la Déclaration de Nairobi avec les pays africains qui y participaient. Une déclaration pour concrétiser le potentiel du continent en matière de croissance verte. Est-ce que, d'après vous, c'est d'abord là que se jouent l'avenir du monde et de tous les équilibres ?

L'avenir de l'Europe se joue beaucoup dans son engagement ou pas vis à vis de l'Afrique. Il va y avoir 2 milliards et demi d'habitants en Afrique, et 450 millions en Europe. Et on sait très bien que les grands phénomènes migratoires sont d'abord de grande proximité. D'abord, on va dans le pays d'à côté. Donc les liens sont plutôt là. On a peu d'influence nous sur la transformation de l'Inde, on peut avoir des accords. Pour nous, la grande question, c'est l'Europe et l'Afrique. Et je trouve qu'on ne fait pas grand-chose à ce niveau-là. Ou alors sur des vieilles méthodes politiques que tout le monde peut voir, mais qui sont plutôt catastrophiques.

Les présidents chinois et russe ne participent pas au G20 ce week-end. En revanche, ils ont participé au sommet des BRICS, les pays émergents, les non-alignés, qui vont d'ailleurs dorénavant accueillir six nations de plus, dont l'Iran. Ces sommets nous en disent beaucoup sur la marche du monde qui a été bouleversée avec la guerre en Ukraine, tous ces équilibres, cette concurrence régionale ?

Mais bien sûr, et y compris que pour s'opposer à l'Occident, on remet en question les valeurs de la démocratie. Et puis c'est vrai qu'il y a la montée de régimes autoritaires, mais c'est la marche du monde qui est comme ça. Essayons, nous, d'abord, là où on a de la possibilité d'influence, de faire notre boulot chez nous, bien sûr, en Europe. On n'est quand même pas si mauvais, même si on pourrait faire beaucoup plus. Et puis, effectivement, dans le rapport avec la Méditerranée, l'Afrique qui est notre territoire voisin, puisque pour l'instant, la question du rapport avec la Russie est évidemment bloquée par l'agression russe sur l'Ukraine.

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