Réforme de l'assurance chômage : pour Jean Viard, "si on arrivait à un accord européen sur le temps de travail, sur le chômage, on ferait un grand pas pour vivre dans la même société"
Gabriel Attal, le Premier ministre a donc présenté dans "La Tribune dimanche" sa nouvelle réforme de l'assurance chômage, qui devrait être rapidement en décembre prochain. Et elle est censée durcir les conditions d'accès à l'assurance chômage. Il faudra travailler davantage sur un laps de temps plus court pour en bénéficier. On sera aussi indemnisé moins longtemps dans la durée.
franceinfo : Constat des syndicats, on cible à nouveau les chômeurs, dont on fait des boucs émissaires. Réponse de Gabriel Attal : Non, on vise le plein-emploi...
Jean Viard : Chacun est dans son couloir, c'est ça qui est un peu triste, c'est qu'au fond, on est dans une situation de changement. On a eu une longue période où le chômage a été terrible. On arrive à le faire reculer, pas qu'en France, mais en France particulièrement, puisqu'on est autour de è à 7,5 de chômage. On n'a jamais été aussi bas depuis 40 ans. Donc il y a des tas de raisons : l'évolution du marché, le fait que l'apprentissage a pris une importance énorme. Il y a presque 800.000 apprentis dans ce pays, il y en avait 350.000. Or, ils sont considérés comme salariés. Donc on a mis l'argent sur les jeunes pour l'apprentissage.
Moi, je ne suis pas arbitre des politiques publiques, mais il est clair qu'en France, les salariés travaillent souvent moins, par exemple, qu'en Allemagne, mais les indépendants travaillent beaucoup plus. Ce qui fait au fond, que la France se rééquilibre, c'est que les 13 ou 14% d'indépendants travaillent en moyenne 40% de plus que les salariés, les indépendants, c'est les commerçants, les artisans, les autoentreprises, les agriculteurs, etc. C'est-à-dire qu'en fait, on a un surtravail des indépendants, en comparaison et un temps de travail moins fort que dans les autres pays.
Ce qui fait que la France, on dit toujours qu'on y travaille moins. C'est vrai, pour le temps de travail des salariés, mais c'est faux globalement, et globalement, on passe même devant l'Allemagne en heures de travail par rapport au nombre d'actifs. Donc c'est pour dire qu'il y a tous ces éléments qui changent et c'est vrai qu'il y a une demande de salariat qui est plus importante, on cherche des salariés dans plein de secteurs.
Et puis en période où on retrouve de l'emploi, est-ce qu'on accepte de faire un autre métier que celui qu'on a appris ? Parce que c'est compliqué en ce moment, il y a plein de métiers qui vont disparaître avec l'intelligence artificielle, et puis y a la question de l'âge, là, il y a aussi une prime de 1.000 € je crois, quand on embauche quelqu'un de plus de 57 ans pendant un an, pour compenser en gros le salaire précédent.
Il y a des mesures spécifiques en effet pour les seniors et les chômeurs les plus âgés...
L'objectif du gouvernement, c'est de se dire que là où il y a une mine d'or, c'est en augmentation, le nombre d'actifs. On est à 73,5% de Français en âge de travailler, entre 14 et 64 ans, Et si on arrivait à l'augmenter comme les Allemands, où ils sont 80%, et après tout, pourquoi pas, c'est quand même pas l'esclavage, ça donnerait une société totalement à l'équilibre. Et c'est tout ça qui nourrit le débat.
Une étude de l'Unedic montre que ce sont les chômeurs déjà en situation les plus précaires, les jeunes, qui ont des CDD, qui vont le plus pâtir de cette réforme ?
Oui, il y a aussi une augmentation de recherche de CDD chez les jeunes, parce que leur volonté de s'engager n'est pas la même quand ils ont moins de 30 ans. Donc il y a des tas d'éléments qui changent. Je pense que le marché du travail change, on est dans une période où on a besoin de dégager du cash pour la guerre climatique, et on a besoin en même temps que les gens aient un emploi, même modeste, c'est mieux que le chômage.
Comment on articule tout ça ? Les partenaires sociaux n'ont pas trouvé d'accord. Le gouvernement continue sa politique. Pour l'instant, on a créé plus de 2 millions d'emplois, presque 2,5 millions depuis l'arrivée du président Macron, mais avec des méthodes parfois un peu brutales.
Un dernier mot : réforme de l'assurance chômage dans un marché du travail qui est en partie européen, on est en pleine élection européenne, c'est une dimension aussi du sujet ?
Moi, je pense que le débat de fond est là. On est dans les élections européennes. Quelle est la politique européenne du travail ? Il n'y a aucune raison que les règles soient différentes puisque c'est un seul marché des produits qui circulent, il y a près de 500.000 travailleurs frontaliers, je pense que dans ce débat, on arriverait à un accord européen sur le temps de travail, sur le chômage, etc. On aurait fait un grand pas pour vivre dans la même société.
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