Prix Nobel : "Si les Français ont une vision aussi positive des chercheurs, c'est parce que ce sont des figures positives du récit collectif", estime Jean Viard
Les prix Nobel ont été décernés il y a maintenant deux mois. La remise des prix a lieu aujourd'hui en Norvège à Oslo, et la lauréate 2023 du Nobel de la paix, la militante et journaliste iranienne Narges Mohammadi, emprisonnée dans son pays, va observer une nouvelle grève de la faim "en solidarité avec la minorité religieuse Bahaïe" à partir d'aujourd'hui, tandis que sa famille recevra son prix en son nom.
Avec le sociologue Jean Viard, qui a coécrit et publié un livre sur le prix Nobel de littérature de l'an 2000, le Chinois Gao Xingjian, on revient aujourd'hui sur l'importance de ces prix, et sur leur valeur d'exemple en France et dans le monde.
franceinfo : Est-ce que ces prix sont encore perçus par les Français comme des exemples à suivre ?
Jean Viard : Les prix Nobel, c'est très important, parce qu'au fond, c'est le monde démocratique qui a lancé ça. Alfred Nobel, c'est l'inventeur de la dynamite. Son père était déjà spécialiste du sujet, donc c'est une grande famille qui a fait fortune dans la dynamite. Et Nobel s'est dit : comment créer de la paix avec une chose qui cherche à détruire ? Et il a mis tout son argent là, pour qu'effectivement ça soit un prix qui valorise l'humanisme, la paix, et c'est devenu un référent de nos sociétés démocratiques, c'est un prix mondial.
Les prix Nobel de la paix et même les prix Nobel de littérature, ce sont généralement des gens qui défendent des valeurs de paix, d'humanisme et on voit bien la militante iranienne Narges Mohammadi, qui a reçu le prix Nobel de la paix, (emprisonnée dans son pays. NDLR).
Et puis ce prix valorise la science, parce qu'encore une fois, cette année, on a eu la deuxième femme française après Marie Curie, la franco-suédoise Anne L'Huillier qui a reçu le prix Nobel de physique, (pour des travaux sur les mouvements des électrons NDLR). Et donc, ça met les choses en valeur, y compris ça permet de dire mais attendez, sur les prix Nobel, il n'y a que 61 prix Nobel féminins, 6,5% des prix Nobel donnés aux femmes, ce qui veut dire qu'il faut qu'on se bouge. Donc, c'est quelque chose d'important.
Alors après, quelle est l'importance que ça a dans l'opinion publique ? Il faut valoriser l'excellence. il faut valoriser le travail. Il faut dire qu'il y a des gens qui cherchent et des gens qui découvrent, c'est positif dans une société. Et d'ailleurs, si les Français ont une vision aussi positive des chercheurs, puisque c'est plus de 80% de Français qui les estiment, c'est bien parce que pour eux, ce sont des figures positives du récit collectif.
On a ce rôle de modèle qu'il faut relativiser. Je pense au professeur Luc Montagnier, grand prix Nobel de médecine, pour son rôle dans la découverte du virus du sida, qui est ensuite devenu une figure du mouvement anti-vaccin. Nous sommes tous des êtres complexes...
Oui, mais sur tous les prix Nobel, certains ont dérivé, mais ce n'est pas parce que quelqu'un est valorisé pour son travail, qu'il est un petit saint... Ce serait trop commode. L'exemple que vous donnez est effectivement très malheureux, mais je crois quand même, que ça reste. Toutes les sociétés ont des figures symboliques. Regardez les Américains, ils ont sculpté leur premier président dans la montagne. Nous, on a nos figures républicaines de la révolution de 1789. On a tous besoin de figures pour construire un récit collectif. Et je pense que les prix Nobel sont des acteurs de cette construction, et ce sont des prix Nobel mondiaux.
Et puis insistons sur une chose le GIEC, ce sont des chercheurs qui ont monté le GIEC, des milliers de chercheurs qui se mettent en réseau et qui sont devenus des interlocuteurs de la révolution climatique, très respectés, très influents et ça montre bien à quel point valoriser la science est important, dans la période actuelle de bouleversements que nous connaissons.
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