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Pass vaccinal : "Laissons les citoyens se donner une chance de rejoindre le groupe majoritaire de ceux qui sont vaccinés"

Le sujet du jour avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, c'est la question du pass vaccinal. L'Assemblée nationale a voté cette semaine le texte de loi qui doit instaurer ce pass.

Article rédigé par franceinfo
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Banderole "Pass vaccinal = covictatur, ni antivax, ni cobayes" lors de la sixième manifestation anti-pass sanitaire, le 21 août à Lyon. (Illustration) (ROBERT DEYRAIL / GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES)

Le texte voté cette semaine par l'Assemblée nationale sur le pass vaccinal doit maintenant être présenté au Sénat avant d'être définitivement adopté. Il sera donc, sûrement dans quelques jours, impossible de prendre le train pour des longues distances, si on n'est pas vacciné. Pas possible non plus d'aller au restaurant, au cinéma, à la salle de sport, bref, partout où le pass sanitaire était jusqu'à maintenant exigé. Voilà qui rend le clivage entre les vaccinés et les non-vaccinés encore plus net. Le décryptage du sociologue Jean Viard. 

franceinfo : Est-ce qu'il y a aujourd'hui deux catégories de français, comme on l'entend dire parfois

Jean Viard : Si vous voulez, dans toutes les pandémies, il y a ça. Quand on a construit le mur de la peste à travers la Provence, c'est parce qu'on espérait qu'il y avait d'un côté la peste, et de l'autre côté qu'elle n'y était pas. Dans une pandémie qui est quand même mortelle, il y a toujours la volonté de séparer et de diminuer les risques. C'est ça qu'il faut dire. Donc, ce n'est pas nouveau.

Là, ce qui est très particulier au fond, c'est qu'on a une solution pour se protéger de la mort, pas pour se protéger de la maladie. Donc, il y a cette gestion de la mort qui redonne un enjeu beaucoup plus fort alors qu'il y a un an, il n'y avait pas cette gestion de la mort, on avait tous les masques, etc., on n'avait pas la solution, j'allais dire, pour ne pas mourir. Là, on a la solution pour ne pas mourir. Donc, ça augmente l'enjeu, évidemment, et ça augmente aussi les tensions.

C'est tout ça qu'on est en train de vivre, et ça va être forcément de plus en plus tendu parce qu'à un moment, je dirais que les risques augmentent. Et puis, les professionnels de santé, ils feront leur boulot et ils sont dévoués, ils travaillent, ils soignent tous les malades, mais en même temps, c'est quand même tragique pour eux d'être dans des situations d'urgence absolue alors qu'on pourrait vivre autrement. 

franceinfo : Le projet de loi sur le pass vaccinal a été débattu avec fougue par les députés cette semaine. Les députés et les sénateurs d'opposition ont d'ailleurs demandé à ce que le projet soit amendé, notamment un amendement pour ce qui concerne les jeunes, que le pass vaccinal ne soit pas à l'avenir exigé pour les moins de 16 ans pour les sorties scolaires et périscolaires.

L'amendement a d'ailleurs fait consensus. Il a été adopté, mais pour les autres loisirs, pour ces jeunes, le pass vaccinal sera bien exigé. On parle là de jeunes mineurs qui doivent se faire vacciner avec l'accord de leurs parents. Est-ce que c'est logique ? Est-ce que c'est cohérent, est-ce que c'est même bénéfique que ces adolescents soient aussi soumis à ces règles très strictes ? 

Vous savez, rappelons nous Noël de l'année dernière. En 2020, les jeunes avaient été géniaux. Il n'y avait pas eu du tout d'augmentation de la maladie quand ils étaient allés voir leurs grands-parents parce qu'ils s'étaient enfermés chez eux une semaine. Donc, les jeunes en fait sont hyper engagés dans cette bataille, ils sont extrêmement responsables. On monte souvent en épingle une bande de jeunes qui fait une fête et il y en a, mais on va pas en faire un fromage. Mais c'est très minoritaire, donc c'est la première chose qu'il faut dire, les jeunes sont complètement engagés dans cette bataille.

Donc je crois que là, il faut bien se mettre dans leur tête à eux, c'est-à-dire que eux, ils ont pas envie de rendre papy, mamie malade, etc. Et c'est important. Et au fond, on leur donne une arme, qu'ils négocient avec leurs parents, bien entendu, c'est normal jusqu'à 16 ans, puisqu'ils sont mineurs, sous l'autorité parentale. Mais je pense qu'on leur permet au fond de participer à ce combat général. Donc moi, ça ne m'a pas choqué en fait. 

Pour en revenir au débat presque philosophique, en tout cas à certains égards, autour de ce pass vaccinal, qu'est-ce qui différencie le pass vaccinal de la vaccination obligatoire ? Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que l'exécutif s'arrête un peu au milieu du gué ? 

Le problème, c'est qu'est-ce que vous faites pour celui qui ne veut pas se faire vacciner ? C'est très bien de décréter des obligations. La République peut le faire, mais comment elle applique ? Vous allez les mettre en prison ? Vous allez leur demander une amende de 1000 euros chaque fois qu'ils ne sont pas vaccinés ?  Comment vous faites ? C'est comme un salami ça, on est face à 5 millions de non-vaccinés et on essaye d'enlever des petites tranches tous les jours pour diminuer le total. Pour leur bien.

Il faut quand même se rappeler que c'est eux qui meurent le plus, dans les hôpitaux. Il y a aussi les immuno-dépressifs. Mais donc quelque part, c'est aussi pour les sauver eux, ce n'est pas simplement parce qu'ils risquent de nous contaminer, c'est aussi pour les protéger eux-mêmes. Là dedans, effectivement, on n'est pas allé à l'obligation (vaccinale) parce que à mon avis, elle n'est pas applicable. Donc au fond, on les coince dans un coin, si on peut dire, on serre, on limite, on enlève les trains, les stades, les bars et les restaurants. On a essayé de voir dans le monde du travail.

Au fond, on leur rend la vie, comme l'a dit le président, dans une formule que je lui laisserai, de plus en plus impossible, pour essayer aussi que les citoyens restent des citoyens qui décident, et que petit à petit, ils se disent je vais me faire vacciner. C'est vrai que ça devient trop compliqué, etc. Et donc, au fond, laissons les citoyens se donner une chance de rejoindre le groupe majoritaire de ceux qui sont vaccinés.

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