Nouvel An 2023 : "Chacun doit se dire : comment puis-je contribuer à la bataille climatique, à la solidarité", estime Jean Viard
Faut-il espérer quelque chose de 2023 ? En ce premier jour de l'année, le sociologue Jean Viard nous suggère une idée mesurée : "Ne nous disons pas que va-t-il arriver, mais disons-nous que pouvons-nous faire".
Bienvenue à 2023 et bonne année à tous les auditeurs et internautes. Évidemment, c'est très artificiel, puisqu'il n'y a pas eu tellement plus de changement cette nuit que la nuit précédente. Mais pour ce premier numéro de Question de société de 2023, le sociologue Jean Viard vient nous dire comment il envisage ce passage à la nouvelle année et ce qu'il faut en attendre.
franceinfo : Il y a-t-il des raisons d'espérer quelque chose, malgré tout, de ce changement d'année ?
Jean Viard : Ne soyez pas si pessimiste. La première chose, c'est que les gens qui nous écoutent sont là. Donc ils sont vivants. C'est une chose extrêmement essentielle – il ne faut pas oublier ceux qui sont morts – mais quand même, nous sommes là. Nous sommes un 1ᵉʳ janvier, et l'année est devant nous, et on se demande ce qu'on va faire, on fait toujours un peu des rêves de devenir parfaits, mais on ne fait pas toujours ce qu'on a dit. Mais surtout on a compris, ou il faut comprendre qu'on est dans un monde de plus en plus d'inattendu. C'est le titre d'un des derniers livres d'Edgar Morin.
La question c'est : attendons-nous à l'inattendu. Parce qu'on est dans une époque où, entre les bouleversements du climat qui sont le cœur des révolutions des sociétés, la lutte qu'on mène contre, les innovations technologiques, les évolutions de comportements qu'on est prêts à accepter, tout ça fait que je ne sais pas ce qui va se passer, mais avec une idée centrale, ne nous disons pas que va-t-il arriver, mais disons-nous que pouvons-nous faire.
Il faut être dans l'action pour ne pas subir ?
Chacun doit se dire : comment puis-je contribuer à la bataille climatique, comment contribuer à la solidarité, comment contribuer à la beauté du monde, etc. C'est important. Nous sommes des acteurs, chacun est un acteur à son échelle. Il y en a qui sont plus puissants que d'autres, c'est évident. Il y en a qui sont beaucoup plus en difficulté que d'autres, mais je crois que c'est important de se dire ça, ne contemplons pas le monde, essayons de l'accompagner dans sa mutation, notamment écologique.
Le tout, c'est de savoir comment être optimiste, plutôt que pessimiste ?
Oui, enfin optimiste, il faut être raisonnable. Moi, on dit souvent que je suis optimiste. Je réponds souvent que de plus en plus, je suis un provincial et un campagnard, je vois un monde qui est un peu différent. D'ailleurs, la France parisienne, l'Île de France, c'est celle qui est la plus en crise. La majorité des gens d'Île de France rêvent de quitter leur région. Ça n'arrive pas dans les autres régions françaises. Donc il faut faire très attention.
Au-delà de ça, on a fait des actes ces dernières années qui ont modifié l'action, notamment vis-à-vis du climat. On peut dire que ça ne va pas assez vite, je serais assez d'accord, mais on travaille énormément. Ce qu'il ne faut pas, c'est démobiliser les gens. Si on leur dit on ne fait rien, il ne se passe rien, on va réchauffer, nos enfants ne pourront pas survivre. Alors là, les gens deviennent méchants et violents, et à juste titre. Au contraire, il faut dire on a agi, assez ou pas assez, le monde est en plein mouvement, et je crois que c'est ça qu'il faut mettre en œuvre. On est dans un tsunami de changements induits par la grande pandémie et par le réchauffement climatique.
Mais la grande pandémie, quelque part, ça a un peu à voir avec le rapport de l'homme avec la nature. Donc c'est un peu comme une introduction à la guerre climatique. Avec le fait aussi que les combats pour la démocratie sont extrêmement puissants. La démocratie en ce moment, je trouve qu'elle redevient une valeur forte.
2023, c'est une année sans élections, donc un petit peu moins de débats politiques dans nos vies, c'est aussi un peu moins de disputes en famille, c'est déjà ça ?
Oui, mais il faut dire une chose : la grande pandémie a remis la politique au niveau à peu près de l'économie. Depuis 50 ans, en gros, l'économie, on disait c'est ultra libéral, il n'y a qu'une seule solution. Je pense que la grande pandémie a été le combat mené par la politique, et la politique a repris de l'autorité. Et ça c'est une bonne nouvelle. Parce qu'au fond, c'est quoi la démocratie ? C'est un équilibre entre la force du politique et la force de l'économie. Quand l'économie domine, c'est du fascisme, quand le politique domine, c'est du totalitarisme à la chinoise. Donc le problème, c'est l'équilibre entre les deux.
La grande pandémie nous a remis – un peu d'ailleurs comme après la dernière guerre au moment des 30 glorieuses, où le politique et l'économie étaient à peu près dans la même puissance – dans l'art de la négociation, parce que l'économie a besoin d'être régulée par le politique. Je crois que c'est ça qu'il faut regarder, comme une remise au centre de la politique, même si ce n'est pas avec les formes, c'est la politique qui a repris la main, et je crois que c'est très important.
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