Les Français et la religion : "Aujourd'hui, on trouve des activités individuelles de communion avec le monde, on est sorti de la sphère purement religieuse"
Le pape François en Corse, la réouverture très suivie en France, et dans le monde, de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris la semaine dernière, devant un parterre de chefs d'États. Comment interpréter cette question de société. Ferveur, engouement ?
franceinfo : Comment expliquer cet engouement, alors qu'il y a finalement de moins en moins de catholiques pratiquants en France ?
Jean Viard : Bon d'abord, l'engouement, faut pas trop exagérer non plus, il y a eu aussi beaucoup d'infos par les médias, et puis il reste quand même 30% de gens qui se reconnaissent dans la foi catholique, et il y a des gens qui viennent de très loin. Alors Notre-Dame, c'est compliqué parce que c'est autant un phénomène culturel, c'est un monument.
En plus, il y a eu un travail extraordinaire de centaines et de centaines de travailleurs du bois, de la pierre. C'est inimaginable l'énorme travail ouvrier qui s'est fait dans ce bâtiment. Il y a tout ça qui fait qu'au fond c'est brillant, ce n’est pas seulement religieux, et d'ailleurs, les 50 chefs d'État qui sont venus, n'étaient même pas tous catholiques, et ce qu'ils voulaient surtout, c'était magnifier une réussite française qui est un bonheur inimaginable.
Si on en revient au pape et qu'on le compare avec Notre-Dame, on voit là quelque part des figures de stabilité, ça a un côté rassurant dans la société ?
Oui, mais vous savez Max Gallo avait fait un livre qui s'appelait L'âme de la France, mais c'était l'histoire de la nation. Là, j'ai entendu beaucoup de radios dire que Notre-Dame était l'âme de la France. Dans un pays aussi peu religieux que le nôtre, c'est peut-être beaucoup ! Mais c'est vrai que c'est un monument extraordinaire, qu'on est nombreux à l'avoir visité, parce que ça fait partie de l'histoire nationale. Et puis c'est vrai aussi que dans la période actuelle, ça remet de l'ordre dans ce qui était du désordre, et en ce moment, on en a besoin.
Vous disiez un pays aussi peu religieux que la France, parce que c'est vrai qu'un Français sur deux ne croit pas, n'a pas de religion. La norme aujourd'hui, c'est de ne plus avoir de religion ?
Oui, enfin la norme, je ne sais pas, la majorité en tout cas. En France, on est un pays assez atypique parce que regardez aux Etats-Unis par exemple, les évangélistes ont un rôle considérable dans l'élection de Donald Trump. Donc les évangélistes sont en pleine progression. L'islam est aussi en pleine progression. Donc il se trouve que la France est un pays qui est de moins en moins religieux, il y a 4% des gens qui vont toute la semaine à l'église. Par rapport aux années 60, 35% des gens allaient à l'église, voyez l'effondrement des pratiques.
Après, il y a tous ceux qui se sentent de culture catholique ou chrétienne, mais c'est une appartenance beaucoup plus culturelle. Je ne pense pas qu'ils croient en Dieu au sens strict, mais ils se reconnaissent dans cette culture, dans ses rituels, ils écoutent le pape. Le pape, c'est une espèce de conscience mondiale. Regardez son rapport de soutien aux Palestiniens, etc. Ils ne sont pourtant pas du tout catholiques, c'est devenu une conscience mondiale des droits de l'homme, et je crois que ça dépasse la mission purement religieuse.
On croit peut-être moins en Dieu, mais peut-être un peu plus en l'astrologie ou aux bienfaits du yoga, on voit émerger ce qu'on appelle les nouveaux gourous ?
Oui, mais je crois, qu'avant, appartenir à une religion, c'était appartenir à une communauté. Et dans cette communauté, on faisait groupe à l'intérieur, on allait aux processions, à la messe, on allait se confesser, il y avait tous ces rituels. Nous, on est dans une société d'individus qui se sont beaucoup autonomisés.
On ne va plus à confesse, mais on va peut-être chez le psy, on ne va plus faire les processions, mais peut-être qu'on va faire du yoga, on va trouver des activités individuelles de communion avec le monde, avec la nature ou avec son propre corps, qui ont un peu remplacé ces rituels. Mais la question est toujours quand même un peu la même, comment on parle aux autres, comment on gère son corps, son rapport à la nourriture, etc. Tout simplement, c'est sorti de la sphère purement religieuse.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.