"Le bilan historique de cette génération de retraités (de 1968), c'est une augmentation gigantesque de l'espérance de vie, par sa créativité, son innovation", selon Jean Viard
Ce lundi 30 septembre s'ouvre la traditionnelle semaine bleue avec beaucoup d'activités et de tables rondes partout en France, jusqu'au 6 octobre, une semaine dédiée aux retraités ou aux personnes âgées.
franceinfo : On compte plus de 17 millions de retraités aujourd'hui en France. Est-ce qu'on peut dresser un portrait-robot du retraité ?
Jean Viard : Il y a 18 millions de Français qui ont plus de 60 ans. Retraité, ça veut dire qui touche une retraite, ça ne veut pas dire vieux. Il y a des vieux qui n'ont pas de retraite. C'est la génération de l'après-guerre, en gros, c'est la génération de 68, ceux qui sont à la retraite maintenant. La génération précédente – les gens des années 20/30, entre les deux guerres – n'avait jamais pensé qu'ils vivraient aussi longtemps. Donc ils n'ont pas préparé leur retraite.
En 1945, on a donné la retraite à 65 ans, parce que l'espérance de vie de l'ouvrier était de 67 ans. Nous, la retraite, ça peut durer 20 à 25 ans, donc on arrive dans la génération qui a un projet de retraite construit très longtemps à l'avance. Comment la prendre, est-ce qu'on va acheter un camping-car, est-ce qu'on range la maison pour être de plain-pied, etc. puisque la majorité des retraités vont finir leur vie chez eux.
Donc, c'est le fait d'avoir anticipé, et d'avoir fait un projet, et ces retraités ont les mêmes mœurs qu'ils avaient en 1968. C'est une génération très libérée dans l'espace, une génération qui a connu la voiture, la télé, le lave-vaisselle, évidemment, ça dépend du revenu qu'on a, mais 75% des retraités sont propriétaires, et le revenu moyen des retraités, c'est 1 420 euros.
Il faut dire une chose qui est très importante : en France, globalement, il y a 14,5% des gens qui sont en dessous du seuil de pauvreté, mais chez les retraités, il n'y en a que 8,7% ; les retraités sont moins pauvres que les autres, notamment parce que 75% sont propriétaires, et qu'évidemment ils n'ont pas de loyer à payer.
Mais justement, on présente souvent ces retraités comme les héritiers, les représentants d'une génération dorée, c'est juste ou pas ?
C'est sûr qu'on est une génération dorée, moi j'en fais partie. Il y en a des dizaines de milliers qui sont élus locaux, présidents d'associations, etc. Les retraités, c'est la base de la démocratie. Ils votent, ils participent aux élections, ils participent aux associations, donc ils continuent à se battre dans la société. C'est essentiel de le dire.
On dit toujours c'est un vote de retraités. Ben oui, c'est un vote de retraités. Il pourrait y avoir un vote de jeunes, ça ferait du bien. Oui, on n’a pas connu la guerre, oui c'est vrai qu'on a connu la pilule, on a eu des activités sexuelles beaucoup plus libérées que nos parents. Oui, les dames ont plus rarement été enceintes sans l'avoir voulu, etc. Tout ça, ce sont des éléments importants.
Après, l'espérance de vie a tellement augmenté grâce au travail de cette génération, on a gagné à peu près 20 ans d'espérance de vie depuis la guerre, grâce au travail des chercheurs, des médecins, des évolutions des modes de vie, la diminution des métiers ultra-pénibles, la fin ou la réduction des mines. Donc le bilan historique de cette génération, c'est une augmentation gigantesque de l'espérance de vie par sa créativité, son innovation.
Ce que vous voulez dire, ce qu'il ne faut pas oublier aussi, en dépit des reproches, c'est que cette génération a beaucoup apporté à la société ?
C'est ça évidemment : elle a marché sur la Lune, si on peut prendre simplement un élément quand même extraordinaire dans l'histoire humaine. La découverte de la crise écologique, ce sont les années 70. On peut bien reprocher ce qu'on veut, mais enfin les générations précédentes n'avaient pas cette conscience, un peu les romantiques au XIXe. Donc effectivement, cette génération a continué à avancer, à créer, à développer, à faire des autoroutes, à développer l'aviation dans la suite des générations précédentes.
Et puis à la fin du XXe siècle, d'un coup, on a compris qu'on était allé trop loin et qu'on avait engagé un combat avec la nature et que c'était la nature qui allait faire l'histoire, parce qu'on l'avait gravement blessée. Mais reprocher à des gens quelque chose qu'on ne savait pas, c'est toujours un peu compliqué.
Est-ce qu'ils sont mieux pris en compte par la société, ces retraités aujourd'hui ?
Je vais vous dire une chose les retraités votants, on les prend d'autant plus en considération qu'effectivement ils imposent, y compris des valeurs parfois traditionnelles, parce qu'ils votent. En démocratie, le problème, c'est que les jeunes votent très peu.
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