Cet article date de plus de dix ans.

Route 128 : Harvard et le MIT inventent l'école du futur

Nous en avons eu l'illustration en deux étapes. La première au MIT - c'est, avec Harvard, l'institution d'enseignement et de recherche phare de l'agglomération. Le MIT a toujours été à la pointe de l'innovation pédagogique. Bien avant l'invention des Moocs, les cours massifs en ligne, il avait mis sur internet, en accès libre, des centaines de cours - le projet s'appelait MIT Open Courseware. 
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (©)

Cela,
c'était il y a dix ans. Depuis, le MIT a passé la vitesse supérieure en se
dotant d'un bureau de l'éducation digitale, dirigé par la bulgare Violeta
Ivanova, dont le travail consiste à organiser la production de contenus, à
catalyser ce qui se fait dans l'université, et à diffuser les bonnes pratiques.

J'ai ainsi assisté à un cours du futur. Il s'adressait à des étudiants de
première année et c'était un cours de physique. Une grande salle avec douze
tables circulaires, autour de chacune huit étudiants, tous devant des
ordinateurs. Des écrans également aux murs, une dizaine, à côté d'autant de
tableaux blancs. Le professeur est installé devant une console au milieu de la
pièce et il se déplace  pendant tout le
cours de table en table. On pratique là ce qu'on appelle le "blended
learning", l'enseignement mélangé.

Les
deux ingrédients du mélange sont l'enseignement à distance par le numérique et
l'enseignement présentiel. Les étudiants sont censés lire le cours avant de
venir, et ils répondent à des quiz qui permettent au professeur de voir sur
quelles notions certains ont peiné. Le début du cours est donc classique à ceci
près que l'enseignant ne reprend pas toute la leçon mais seulement les points sur
lesquels les étudiants ont peiné. Cela dure environ 20' après quoi il leur
donne un problème à résoudre, en groupe de trois. Les étudiants ont la
possibilité d'échanger entre groupes, de se lever pour aller poser des
équations sur les nombreux tableaux, d'effectuer des recherches en ligne.
Entrent également en scène cinq professeurs assistants ; ils vont passer de
groupe en groupe non pas pour aider les étudiants mais pour voir comment ils
s'y prennent et, là encore, pour identifier les points de blocages sur lesquels
le professeur reviendra.

C'est
une formule qui mixe le cours magistral classique et les travaux dirigés.
On arrive à
individualiser au maximum l'enseignement alors qu'il y a tout de même cent
étudiants dans la salle. Et ce souci d'individualiser, c'est vraiment
l'obsession du moment, le Graal nous a expliqué plus tard dans la journée
Johannes Heinlein, un des responsables d'EdX, qui est la plateforme de Moocs
créée par Harvard et par le MIT
, et pour que ces deux institutions qui sont un
peu les sœurs ennemies de Boston s'entendent, il faut que l'affaire soit jugée
sérieuse.

Dans
ce cours de physique, on retrouve un professeur et cinq assistants. On ne
peut pas dire que le numérique permette de remplacer les enseignants. Et
d'ailleurs, l'usage du numérique n'est pas du tout vécu comme une menace pour
les enseignants mais comme une opportunité de mieux enseigner. C'est ce qui
sous-tend tout le travail de ce bureau de l'éducation digitale, qui coordonne
aussi la production de logiciels qui permettent de visualiser en 3D le
fonctionnement d'une protéine ou de découvrir de manière très vivante
l'histoire de la planète terre dans le cadre d'un projet qui est d'ailleurs
conduit en partenariat avec l'université Lyon 1. Tous ces logiciels sont
ensuite mis à disposition de tous, en accès libre, et parfois traduits - l'un
d'entre eux vient de l'être en créole à destination des élèves haïtiens.

L'idée
est donc d'utiliser le numérique pour faciliter les apprentissages y compris en
recourant à des dispositifs ludiques - c'est toute la tendance dite de
"gamification" de l'enseignement - un terme difficile à traduire qui
désigne les procédés qui  en appellent au
plaisir du jeu pour faire entrer les élèves de manière plus plaisante dans les
savoirs.

Autre
temps fort de cette journée, EdX, une des principales plateformes de Moocs. Là
aussi, on plaide pour le mélange entre numérique et humain. En fait EdX se
présente avant tout comme un laboratoire dédié à l'amélioration de
l'enseignement. Vous avez le côté face avec ces chiffres impressionnants, les
deux millions de personnes dans 196 pays qui ont déjà suivi un des 175 cours
mis en ligne par les 70 universités membres de la plateforme. Vous avez les
pays qui adoptent la technologie EdX pour créer leur propre plateforme de Moocs

  • parmi lesquels la France avec France université numérique, mais aussi la
    Chine qui a annoncé il y a quelques heures l'ouverture de sa plateforme avec
    des cours d'EdX traduits en mandarin. Et puis vous avez le côté pile, à savoir
    toutes les données que recueille EdX sur la façon dont on se comporte face à un
    cours. Est-ce qu'on commence par le regarder, par lire les documents
    d'accompagnement, par faire les exercices ; combien de temps on consacre à
    chaque activité ; à quel moment on décroche - là l'exercice est douloureux pour
    les enseignants car passé 6 minutes, il ne reste plus que 10% d'étudiants
    totalement impliqués, les 90% restants commencent à faire autre chose en même
    temps. La conviction d'EdX, c'est qu'en analysant tous ces comportements on va
    apprendre à mieux doser et organiser la façon de transmettre afin qu'elle soit
    plus efficace.

Pour
l'instant suivre un de ces Moocs ne donne pas de diplôme mais on peut obtenir
un certificat et les gens commencent à s'en servir. Le MIT reçoit désormais des
candidatures de jeunes qui ajoutent sans qu'on leur demande à leur dossier des
certificats EdX pour prouver l'excellence de leur niveau. Et c'est pris en
considération. On nous a également cité le cas d'un ingénieur indien qui avait
obtenu une augmentation en produisant un certificat EdX auprès de son
employeur. En un sens l'usager est en train d'inventer la fonction de ces
modalités d'apprentissages, de leur donner une valeur, ce qui est assez
extraordinaire si on rappelle qu'EdX n'aura deux ans que dans 15 jours. La
rapidité d'adoption est faramineuse. Et elle devrait très vite atteindre les
deux publics qu'EdX vise maintenant : les lycéens, et les adultes via la
formation continue. Le slogan d'EdX est "Reimagine education",
réimaginer l'éducation. Et c'est bien ce que sont en train de faire le MIT et
Harvard, autant que les grandes institutions de la côté ouest comme Stanford et
Berkeley. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.