Ceque reproche Vincent Peillon à ces décrets de 1950, après d'autres notamment àdroite, ce n'est pas le volume de travail qu'ils imposent mais le contenuqu'ils recouvrent. Ils ne décrivent que le temps passé physiquement devant lesélèves. 15 heures hebdomadaires pour un professeur agrégé, 18 heures pour uncertifié. Ces horaires avaient été fixés pour mettre fin à une grande diversitédes pratiques dans les collèges et les lycées. Il y a des variantes, enfonction du niveau d'enseignement – on en a beaucoup parlé récemment autour desenseignants de classes préparatoires, t aussi en fonction du nombre d'élèves. Restequ'on considère que pour délivrer ces cours dans de bonnes conditions, unenseignant travaillera en moyenne en moyenne 40 heures par semaine. C'est plusque les 35 heures légales, mais si on considère que l'année scolaire dure 36semaines, eh bien bon an mal an on arrive aux 35 heures.Le temps qui n'est pas passé devant lesélèves est consacré à la préparation des cours, à la correction des copies...Entreautres mais rien de tout cela n'est explicite. En moyenne, selon une étudemenée par le ministère, les professeurs estiment effectuerenviron 8 heures de préparation de cours, 6 heures de correction, 2 heures dedocumentation, et 4 heures entre travail avec d'autres enseignants, suivi,dialogue avec les parents... Mais rien de tout cela n'est officiellement fixé. Lefond du débat est donc là : que peut-on imposer à enseignant en plus deses heures d'enseignement – par exemple les réunions avec les autresenseignants, les rencontres avec les parents, la réalisation de contenusnumériques, la préparation d'un voyage scolaire, l'organisation d'une sortieculturelle, le tutorat individualisé, etc. Tout cela, quand les enseignants lefont, est noyé dans ce volant d'heures non affectées qui ne sont pas passéesdevant les élèves. Résultat, certains le font et débordent largement notremoyenne annualisée de 35 heures, d'autres ne le font pas, sans que l'on puisseaffirmer pour autant qu'ils ne font pas leur travail.Il n'y a en somme aucun moyen de le leurimposer...Aucun.Tout relève de la dynamique qui existe ou pas dans un établissement,généralement du charisme du chef d'établissement, de sa capacité à convaincrequ'on travaille mieux en travaillant autrement. Mais c'est extrêmement fragileet on ne compte pas les exemples d'établissements où la vigueur des projetspédagogiques a pâti ou profité d'un changement de chef d'établissement.En outre ces textes mettent tout le mondeà la même enseigne...Oui.Aux quelques exceptions que j'ai mentionnées, on estime qu'un professeur demathématiques dans un lycée tranquille de centre ville, un professeur detechnologie dans un collège difficile ou encore un professeur d'Educationphysique et sportive d'un lycée professionnel exercent, fondamentalement, lemême métier. A charge pour eux de s'organiser selon leurs besoins, c'est cequ'on appelle la liberté pédagogique.Donc ce n'est pas tellement une réformedu temps de travail qui fait débat, mais une réforme du contenu du métier.Exactement.En 1950, les relations avec les parents n'étaient pas un sujet. Aujourd'hui, onconsidère qu'elles sont stratégiques. Comment introduire ce temps. En 1950, lenumérique n'existait pas. Comment prendre en compte aujourd'hui le temps que vapasser un enseignant à produire des contenus qu'il mutualisera ensuite ou bienà gérer les échanges avec élèves et parents. En 1950 aussi, l'heured'enseignement était sans doute moins dévoreuse d'énergie dans bien des cas, lerapport à la discipline étant à l'époque beaucoup plus ferme qu'aujourd'hui.Bref le monde a changé, le métier aussi, mais pas sa définition. Raison pourlaquelle depuis des années les ministres successifs plaident pour un aggiornamento.Vincent Peillon n'est pas le premier à secasser les dents sur cette réforme...Non.Plusieurs exemples récents l'illustrent : Lionel Jospin en 1988 renonce àréformer alors même que le PS et la FEN avaient passé un accord en ce sensavant les élections. 1998, Claude Allègre envisage de passer à 19 heures pourles certifiés : 15 heures d'enseignement devant les classes, donc troisheures de moins, mais quatre heures d'activités pédagogiques qui auraient étéchoisies par chaque enseignant. Mais pour que cela marche au lycée il fautrecruter. Il ne peut pas et envisage donc de diminuer le nombre d'heures decours. Levée de bouclier contre ce qu'on appelle le lycée " allégé ",le " lycée light " ; il recule. 2004, la commission Thélotpropose une réforme, François Fillon l'enterre. 2006 Gilles de Robien remet lecouvert, mais l'élection de Nicolas Sarkozy sonne le glas de la tentative, cedernier promettant pendant la campagne de ne rien toucher.Et les 60.000 créations de postespromises, elles ne pouvaient pas servir, justement, à libérer des heures pourdes activités autres que l'enseignement, sans baisser les horaires ?Si.Mais pour cela il aurait fallu que cela soit préparé à l'avance. Or ces postesont été promis par François Hollande pendant la campagne sans aucunecontrepartie. Un péché originel dont il y a fort à parier qu'il poursuivra lagauche jusqu'à la fin de la mandature.