Métier d'enseignant : accord "historique" ou simple "toilettage" ?
On
le sait enseigner ne se résume pas à faire cours devant les élèves. C'est
pourtant en ces termes que se définissent les obligations professionnelles des
enseignants : un certifié doit 18 heures de classe hebdomadaires 36 semaines par an. A charge pour lui de faire entrer
tout le reste dans un temps de travail raisonnable – la préparation des cours,
la correction des copies, l'organisation d'une sortie scolaire, la conception d'un
outil numérique, les relations avec les parents, etc. C'est ça qui change :
ces missions complémentaires seront désormais plus nombreuses à être définies
et reconnues, soit sous la forme d'une décharge – c'est-à-dire une diminution
du nombre d'heures de classe à effectuer, soit par une indemnité. Second
changement – on en avait déjà parlé - : enseigner ne présente pas la même
difficulté selon les élèves qu'on accueille : il y avait déjà des
compensations prévues quand on s'occupe d'élèves dans les zones difficiles,
elles sont étendues ; idem quand on s'occupe de classes qui préparent à
des examens ou à des concours. Là aussi, la reconnaissance de cette responsabilité
sera étendue.
Et tout cela fait un " accord historique " ?
C'est en tout cas l'avis
de Vincent Peillon, qui fait référence aux principaux textes qui encadrent le
métier depuis les années 1950. Je le cite : " Cette réforme, c'est le
serpent de mer, ça fait plus de 60 ans qu'on dit, " les décrets de 1950 ".
Ca a été dans le débat politique ces quinze dernières années, avec beaucoup de
gens qui prétendaient qu'il fallait faire ça... personne ne l'a jamais fait ".
Est-ce que cette
réforme va changer la façon d'enseigner ?
Non. Quand on entre
dans le détail des mesures, on se rend compte qu'il s'agit surtout d'un
toilettage. Exemple : les professeurs d'histoire géographie bénéficiaient
d'une décharge qui compensait le temps passé à installer les cartes dans les
salles de classe. A l'heure du tableau interactif et de Google Maps, elle était
pour le moins obsolète. Autre exemple : pour les enseignants qui ont des
élèves de première et terminale générale ou technologique, une heure sera
comptée comme équivalant à une heure et six minutes. Pas sûr que cela explique
une éventuelle augmentation du taux de réussite au bac qui flirte déjà, dans
les bacs généraux, avec les 90%. En outre il n'est pas dit qu'il soit plus méritoire
de préparer les élèves au bac que d'enseigner à des sixième qui ne maîtrisent
pas toutes les bases requises ou à des quatrième en pleine crise d'adolescence.
Donc au fond peu de
changements...
Très peu. Le seul
changement important, aurait été d'arrêter de définir les obligations du métier
avant tout en termes d'heures passées en classe, devant les élèves. Ça a été
abandonné. Or c'est une des clés des évolutions de la pédagogie que Vincent
Peillon disait vouloir favoriser : on continue à considérer que ce qui est
central, c'est l'enseignement, la délivrance des savoirs, de la manière la plus
classique qui soit. Rien n'est fait pour faciliter ou encourager les ponts
entre les disciplines, alors que c'est une tendance forte dans le supérieur ;
rien n'est fait pour simplifier la vie des enseignants qui veulent se consacrer
à des projets ambitieux et chronophages autour du numérique, rien n'est fait
pour que les établissements qui sont confrontés à des problématiques
différentes puissent aussi s'organiser de manière différente pour y répondre... C'est
un " toilettage " comme l'écrit le site internet Le Café pédagogique.
" On est bien loin de ce qui contribuerait à transformer l'école
française, notamment un système moins rigide, sans doute annuel, avec des
gestions de missions différenciées selon les établissements " confirme sur
son blog Jean-Michel Zakhartchouk, ancien rédacteur en chef des Cahiers
pédagogiques. Mais ce dernier veut conclure sur une note positive : " Restons optimiste, suggère-t-il,
engouffrons-nous dans la brèche, en en faisant une faille spatio-temporelle qui
va nous permettre de retrouver des périodes de forte créativité pédagogique et
d'innovations avortées, celles qui reposent dans les cimetières des réformes
abandonnées ou mort-nées : les itinéraires de découverte de la fin des
années 90, les organisations mobiles du temps scolaire des années 80, les
projets d'établissement dans l'esprit de leurs initiateurs des années 80,
ou même des expérimentations plus anciennes des années 70 ".
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