Les Apprentis d'Auteuil se mettent au diapason d'El Sistema

Un programme  né en
1975 au Venezuela, à l'initiative d'un économiste et musicien : Jose
Antonio Abreu. Le projet  de départ était
social et non musical. Abreu voyait dans l'orchestre l'expression d'une forme
de société idéale : chacun a son importance mais il doit aussi être
capable d'écouter les autres, d'adopter le même rythme... Je le cite :
" L'orchestre et le choeur sont bien plus que
des structures artistiques : ce sont des écoles de vie sociale, parce que
chanter et jouer ensemble signifie " coexister " intimement en tendant vers la
perfection, en suivant une discipline stricte. " C'était un
rêve un peu utopique. Mais près de quarante ans après il vit toujours : il
existe 125 orchestres pour la
jeunesse au Venezuela et  250.000
enfants fréquentent les écoles de musique associées à travers le pays et au
total deux millions de venezueliens sont passés par El Sistema. C'est la plus
vaste opération de ce type au niveau mondial.

La plupart de ces enfants sont issus
de familles pauvres.

Oui.
90%. L'objectif est clairement d'utiliser ces orchestres pour prévenir les
comportements criminels, lutter contre la drogue, protéger les enfants. On le
voit dans un des documentaires réalisés sur El Sistema et disponible en version
française en DVD : les enfants viennent vraiment de milieux très
précaires. C'est aussi la raison pour laquelle l'opération a été lancée sous
l'égide du ministère des affaires sociales.

Et on a même pu prouver que ça
marche !

Oui.
En 2007, la banque inter-américaine de développement a été sollicitée pour
prêter 150 millions de dollars afin de permettra la construction de sept
centres régionaux d'El Sistema. Scepticisme des banquiers, qui voient la
musique classique comme l'apanage des élites. Ils décident quand même de
réaliser une étude d'impact. Et elle découvre non seulement que la
participation à El Sistema** diminue l'absentéisme et fait baisser la
délinquance, mais aussi que un dollar investi permet d'en économiser 1.68 en
frais sociaux. Le prêt a donc été accordé et El Sistema a poursuivi son
développement. L'objectif est d'accueillir 500.000 enfants en 2015.

Au départ, ils ne savent pas du tout
jouer d'un instrument. Ce n'est pas gênant ?

Pour
les oreilles, si, ça donne des choses assez cacophoniques, mais la pédagogie
mise en œuvre est d'une efficacité remarquable. Si bien qu'assez vite ça
commence à ressembler à quelque chose. Et puis un certain nombre de ces enfants
se prennent de passion pour la musique et y consacrent des heures de travail.
Au point que quelques-uns deviennent professionnels.

Parmi eux, une star mondiale de la
direction d'orchestre : Gustavo Dudamel.

Oui.
Chef de l'orchestre star d'El Sistema, l'orchestre des jeunes Simon
Bolivar ; Dudamel a aussi été invité à diriger les formations symphoniques
les plus prestigieuses. Mais une fois encore ce n'est pas le cœur du projet.

Il est donc repris, en France, par les
apprentis d'Auteuil... On ne dit pas "les orphelins d'Auteuil" ?

On le disait ! C'est une fondation catholique créée
en 1866 par un curé, l'abbé Roussel, qui souhaitait que chaque enfant abandonné
soit accueilli, soigné, apprenne à lire et à écrire, reçoive une formation
chrétienne et un métier. Au fil des ans, la fondation a commencé à accueillir
d'autres enfants que les seuls orphelins. Elle forme
aujourd'hui plus de 14.000 enfants et adolescents en difficulté, principalement
de 6 à 21 ans. 200 établissements existent, qui offrent au total 74 formations
professionnelles, par la voie de l'apprentissage.

Les enfants qui vont recevoir leur instrument de musique vendredi
n'en sont pas encore à apprendre un métier.

Non. Il s'agit de 46 élèves des classes de
CE2, CM1 et CM2 scolarisés au groupe scolaire Notre-Dame du Bon Accueil, dans
la commune de Gorges près de Nantes. Ils reçoivent déjà 10 heures
d'enseignement hebdomadaire en formation d'orchestre symphonique et de chœur
grâce au soutien de l'Orchestre National des Pays de la Loire. 14 musiciens et
un chef d'orchestre participent à l'aventure pour accompagner les enfants. On
leur souhaite autant d'énergie et de succès qu'à leurs camarades vénézuéliens –
comme en témoigne cet extrait d'un hit de l'orchestre Simon Bolivar, le Danzon
n°2 d'Arturo Marquez – de Caracas à Paris en passant par New-York, la salle
termine debout, et les musiciens aussi !