L'hommage ambigu de François Hollande à l'apprentissage
L'apprentissage est à la fois mal connu, relativement mal considéré, et dans le même temps plébiscité pour lutter contre le chômage des jeunes : c'est ce qu'indiquait voici deux mois un sondage CSA pour l'Institut Montaigne.
Deux tiers des apprentis signent ensuite un CDI
85% des personnes interrogées font confiance aux dispositifs de soutien à la formation contre 14% aux dispositifs de soutien à l'emploi tels que les emplois d'avenir ou le contrat de génération. Et si l'on cible sur l'apprentissage, l'adhésion monte à 89%. Ils ne se trompent pas : plus de deux tiers des apprentis sont embauchés en CDI à la sortie de leur formation.
Et pourtant, l'apprentissage est mal considéré.
Pour 43% des sondés il s'adresse avant tout "à des jeunes qui rencontrent des difficultés scolaires" et il débouche "essentiellement sur des métiers faiblement rémunérés". Et de ce point de vue il y a un choc sans doute voulu par l'Elysée qui a choisi Villiers-le-Bel pour cette visite.
Chacun a en mémoire les émeutes de 2007. En filigrane, le lien jeunesse en difficulté et apprentissage est donc renforcé. Ce n'est pas nouveau : après les émeutes dans les banlieues de 2005, le Premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, avait également répondu sur ce terrain en créant l'apprentissage junior – une voie d'accès à l'apprentissage dès l'âge de 15 ans. Si on voulait renforcer l'idée selon laquelle l'apprentissage est une roue de secours pour jeunes en rupture voire violents, on ne s'y prendrait pas autrement.
Cela correspond-il à la réalité de l'apprentissage ?
Je cite cette fois un rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale paru également voici deux mois : "L'apprentissage continue de souffrir aux yeux des familles et des jeunes, et des enseignants eux-mêmes, du déficit d'image attaché à la voie professionnelle et aux métiers manuels" .
On notera d'ailleurs que François Hollande est accompagné par les ministres François Rebsamen (Travail) et Najat Vallaud-Belkacem (Droit des femmes, Ville, Jeunesse et Sport). Benoît Hamon, le ministre de l'Education nationale n'est pas du déplacement. Cela confirme cet autre passage du rapport de l'Inspection : "L'apprentissage reste un sujet périphérique pour l'Education nationale" .
Et pourtant on peut se former par apprentissage via l'Education nationale...
La part de l'apprentissage au sein de la formation initiale sous statut scolaire progresse même régulièrement depuis vingt ans, et – je cite de nouveau l'Inspection "son environnement a été profondément modifié et rénové" . Au total, un peu plus de 5% des jeunes de 16 à 25 ans sont en apprentissage, la majorité pour préparer des diplômes de niveau inférieur ou égal au baccalauréat.
Mais c'est surtout dans l'enseignement supérieur que les choses bougent. Toutes les formations du supérieur gagnent des apprentis. Le principal diplôme préparé est le BTS, avec 55.100 apprentis en 2011 (+10,3 %). La licence, le diplôme d'ingénieur et le master accueillaient chacun entre 11.000 et 14.000 apprentis en 2011. On est là bien loin de l'image dominante d'une filière uniquement tournée vers des métiers manuels ou faiblement rémunérés.
Le gouvernement a récemment réformé le financement de l'apprentissage
Oui, suscitant l'inquiétude des professionnels, notamment car la réforme favorise de fait l'apprentissage avant le bac alors que c'est l'apprentissage dans le supérieur qui se développe. C'est ce que souligne également Yves Cimbaro, Directeur de FormaSup Ain-Rhône-Loire : "Certaines règles imposées par le code du travail sont plus adaptées aux bas niveaux de qualification, comme celle qui prévoit 400 heures de face-à-face pédagogique par an. A l'heure des MOOC, des cours à distance, c'est une règle à assouplir pour les établissements du supérieur qui font de l'apprentissage."
Yves Cimbaro se déclare également "très inquiet face à la réduction des aides aux employeurs d'apprentis prévue dans le projet de loi de finances 2014 : suppression du crédit d'impôt pour les entreprises qui embauchent des jeunes préparant un diplôme supérieur à bac +2, recentrage de la prime à l'embauche sur les sociétés de moins de onze salariés" .
Tout cela n'est pas neutre. Qui dit apprentissage dit contrat d'apprentissage. Or la crise est là et les entreprises rechignent : les effectifs d'apprentis ont diminué de 8% l'an passé, c'est considérable.
Est-ce que l'apprentissage peut devenir une voie de formation à part entière et conduire les jeunes du Cap au diplôme d'ingénieurs ?
Sur le papier oui, dans les faits c'est rarissime. Et cela restera le cas tant que l'image de l'apprentissage au niveau CAP ou Bac restera liée à celle de l'échec scolaire ou de la relégation sociale.
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