D’où notre question du jour :« En quoi Richard Descoings a-t-il changé le visage de l’enseignementsupérieur ? ».Un visage qu’il aurait pu changerencore plus… La rumeur lui prédisaitencore récemment un destin ministériel…Tout comme elle le lui avait prédit en 2007 –à l’époque on disait même qu’il serait ministre quel que soit le vainqueur.Officiellement il répondait pourtant qu’il n’était pas intéressé…Oui, à plusieurs reprises. Avec deuxarguments :- je n’ai pas de légitimité politique, regardez cequ’il est advenu à ceux qui n’en avaient pas – Claude Allègre et Luc Ferrynotamment, qui se sont brûlés les ailes à l’Education nationale.- 2d argument : je fais plus bouger les lignes àpartir de sciences PoEtait-ce vrai ?Qu’il ait fait bouger sciences Po, c’estincontestableIl hérite d’une institution prestigieuse maisfinalement provinciale à l’échelle du marché mondial de l’enseignementsupérieur. Il en ait un acteur majeur en France et dans le monde.Vous avez toujours aujourd’hui à Sciences Podes enseignants connus et reconnus. Mais vous avez également trois fois plusd’étudiants qu’il y a 16 ans, dont 40% d’étrangers. En terme de rayonnementc’est spectaculaire, a fortiori quand vous regardez le niveau de sélectivité deSciences Po Paris, qui n’a jamais été aussi fort.Rayonnement et ouverture sociale…Avec cette fameuse réforme des CEP.Farouchement combattue par la droite à l’époque qui avait tenté sans succèsd’empêcher cette réforme à l’assemblée nationale et via un recours au conseild’Etat. On l’oublie mais la bataille politique et législative avait ététerrible. Il faut rappeler aussi que sans le soutien de Jack Lang, alorsministre de l’Education nationale, rien ne se serait passé. Les socialistesn’étaient pas très enthousiastes non plus – au parlement, le PS n’avait passollicité ses ténors pour défendre la réforme Descoings. Pour qui se souvientde ces épisodes, c’est peu dire que les hommages unanimes qui se multiplient depuisce matin ont une saveur quelque peu étonnante.Pourquoi une telle opposition ?Parce que cette mesure remettait en cause lerecrutement des élites, et c’est d’ailleurs le fil rouge de la politique menéepar Richard Descoings, avec l’internationalisation.Toutes les grandes écoles, aujourd’hui,conviennent qu’elles ont un problème d’ouverture sociale, mais elles fonttoutes la même réponse : c’est la faute de l’enseignement primaire etsecondaire. Elles mettent donc en place des programmes comme « une grandeécole pourquoi pas moi » afin de faire du tutorat pour les élèves issus demilieux défavorisés. En somme des bonnes œuvres pour moraliser un peu lesprocessus de sélection.Le raisonnement de RD était biendifférent : il estimait que la nature même des concours les rendaitinaccessibles à une catégorie de population et qu’il fallait donc chercher desfaçons de détecter les hauts potentiels différemment.D’où une de ses dernières mesures, très contestée : lasuppression de la mythique épreuve de « culture générale » auconcours d’entrée.Oui. C’est exactement la même idée. Il disaitque la culture générale ne s’enseignait pas au lycée, et que les jeunes latrouvaient soit dans leur famille soit en payant des prépas privées.Tout cela faisait bouger les lignes. Mais à lavérité il a été peu suivi, y compris par les autres IEP, les Sciences Po deprovince, avec lesquelles Sciences Poparis entretient des rapports tendus.Deux fils rouges dites-vous… Ouverture sociale on en en parlé. Il yaussi l’internationalisation.Pour ça que Sciences Po passe de trois à cinqans sous RD. Pour ça qu’elle grossit pour atteindre une masse critique. Pour çaque RD n’aimait pas qu’on dise de Sciences Po qu’elle est une grande école, ilpréférait parler d’université sélective. Vous savez le système français estunique et totalement illisble vu de l’étranger : aux Usa ou en GB, lesétablissements d’élite sont les universités car ce qui fait l’excellence c’estla puissance de la recherche. En France, la recherche est partagée entreorganismes privés et universités, mais l’excellence est incarnée par lesgrandes écoles pour leur capacité à trier les élèves.RD voulait faire de Sciences Po unétablissement d’excellence au sens international, pas au sens franco-français.Là aussi il a réussi pour Sciences Po. Mais le système dans son ensemble n’abougé qu’à la marge.Il a aussi brisé quelques tabous sur l’argent…Oui, le sien et celui des étudiants. Ilassumait de gagner 24000 euros nets par mois et toucher des primes parfoisimportantes. Et il dénonçait la faiblesse du salaire des présidentsd’université en France. C’est un vrai débat.L’argent des étudiants aussi avec uneexplosion des frais de scolarité qui peuvent monter à 10.000 euros par an.C’est compensé par un système de bourses très avantageux. Là aussi il adéclenché le débat, fait bouger les lignes, mais pour l’instant l’idée d’uneaugmentation des droits à l’université même en échange de bourses plusimportantes reste une idée tabou.L’émotion des étudiants est immense à Sciences po Paris. Ce n’est pascourant…Oui. Peu de directeurs d’écoles ou deprésidents d’université entretiennent une relation aussi passionnée etpassionnelle avec leurs étudiants. Il y avait un magnétisme Richard Descoingsqui s’exerçait aussi dans son environnement professionnel. Ça fait partie del’impact qu’il a pu avoir à Sciences po et en dehors.Et ça explique effectivement cette émotionprofonde ressentie à Sciences Po et au-delà.