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Bibliothèques universitaires et réussite en licence : tu t'es vu sans BU ?

Les bibliothèques universitaires dépensent trop pour les chercheurs et pas assez pour les étudiants. Une situation que dénonce l'ADBU, l'Association des Directeurs et personnels de direction des Bibliothèques Universitaires et de la documentation. Selon elle, cela menace directement la réussite en licence des étudiants.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Franceinfo (Franceinfo)

Et le sujet est d'importance : seuls 43% des étudiants
inscrits en France en première année de licence accèdent à la deuxième année.

Et ce taux augmenterait s'ils allaient plus en
bibliothèque ?

Oui, selon une étude menée auprès de 23.351 étudiants
toulousains inscrits en licence
. Elle tente de démontrer l'existence d'un lien entre
l'utilisation de la documentation fournie par les bibliothèques et la réussite
des étudiants.

Ce qui ne doit pas être évident...

Non. Toute la question est de savoir si on devient bon
étudiant parce qu'on fréquente la bibliothèque, ou si on fréquente la
bibliothèque parce qu'on est bon étudiant. C'est effectivement la question de
l'œuf et de la poule.

Les chercheurs ont quand même réussi à trancher.

Oui. Et leur conclusion est sans ambiguïté :
"l'emprunt est bien, dès le cycle de licence, un des comportements
découlant de l'engagement quantitatif de l'étudiant et amenant à la
réussite". Car c'est en allant en BU et en lisant des ouvrages qu' l'on
acquiert et fortifie les compétences exigées pour réussir à l'université.
"Le processus d'apprentissage en profondeur, expliquent les auteurs,
correspond à des comportements où les étudiants font un traitement actif de
l'information et utilisent des stratégies d'élaboration et d'organisation
plutôt que des stratégies de mémorisation". Et c'est bien le cœur de ce qu'on
appelle le "métier d'étudiant" à l'université : apprendre à
élaborer et pas seulement apprendre pour recracher un savoir prémâché.

Mais avec le numérique, ne peut-on pas se passer de
bibliothèques physiques ?

Si, en partie, mais pas des livres, qu'ils soient imprimés
ou sous forme numérique. Or ce que dénonce l'ADBU, c'est, depuis 2010,
une baisse de plus de 20 % des achats d'ouvrages
, papier ou numérique
donc ; certaines universités ont même renoncé, parfois pendant plusieurs
années de suite, à tout achat d'ouvrages.

Sauf au profit des chercheurs.

Oui. "Le choix des universités françaises  a
clairement été de maintenir les ressources électroniques à destination des
laboratoires, quel qu'en soit le coût (+ 457,6 % de 2002 à 2014), au
détriment des étudiants." Pourtant entre 2002 et 2010, les budgets documentaires ont augmenté
de façon très significative (+43,5%) avant de connaître une stagnation en 2011
et 2012 puis une diminution de -3,3% entre 2012 et 2014 selon l'ADBU . Les
achats de livres atteignent en 2014 un montant inférieur à celui de 2002. Et
cette baisse n'est pas compensée par l'achat de livres
électroniques, qui reste très faible (moins de 2% des achats documentaires
globaux). C'est le résultat d'une enquête menée par l'ADBU auprès de 59% des
bibliothèques universitaires.

Et tous les étudiants qui fréquentent ces bibliothèques en
tirent le même bénéfice ?

Oui. "La probabilité de valider son semestre est beaucoup
plus élevée pour lesétudiants empruntant beaucoup d'ouvrages que pour ceux en
empruntant peu et la différence est encore plus importante entre les lecteurs
actifs et les lecteurs inactifs". Mais surtout ces résultats se vérifient
quels que soient les autres paramètres : ils neutralisent en quelque sorte
l'influence du bac d'origine ou du milieu social. Le problème est que
tous les étudiants  ne fréquentent pas
les bibliothèques, et notamment ceux qui auraient le plus besoin de
s'approprier ce fameux "métier d'étudiant", ces méthodologies
propres au travail universitaire. Il y a ceux qui n'y vont pas parce qu'ils ont
décroché, notamment
"les étudiants salariés ou les étudiants issus des baccalauréats
technologiques ou professionnels". A contrario, , "les femmes, les
étudiants ayant eu leur baccalauréat à l'étranger, les étudiants en reprise
d'études et les étudiants boursiers empruntent plus que les autres
étudiants".

Donc c'est plus une question d'engagement dans les études,
de motivation, qui joue..

Oui. Plus qu'une question d'origine scolaire ou surtout
sociale. D'où l'intérêt, si on veut faire réussir les étudiants les moins
armés, de les inciter, pendant les cours ou dans des modules dédiés, à la
fréquentation des textes et donc des bibliothèques – ça ne se fait pas tout
seul. Les auteurs préconisent aussi la mise en place d'un suivi de la
fréquentation des bibliothèques : il constituerait un outil de pilotage en
fournissant un indice de l'engagement des étudiants de licence dans la réussite
de leurs études.

 

 

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