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Benoît Hamon, ministre des rythmes scolaires

La réforme des rythmes scolaires aura empoisonné les deux premières années de la mandature et conduit au remplacement de Vincent Peillon par Benoît Hamon. Ce dernier a confirmé ce matin qu'il voulait en finir au plus vite.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
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"Je suis le ministre qui doit réussir la réforme des rythmes" avait
déjà annoncé Benoît Hamon lors de sa première visite sur le terrain. Réussir quitte
à assouplir : plus encore que le nouveau décret, c'est le ton qui change.

Benoît Hamon ne veut pas s'enfermer dans une posture rigide. Il préfère pouvoir
annoncer à la rentrée que la réforme est appliquée partout, quitte à ce que ce
soit dans des formes un peu différentes ici ou là. Il y a les concepts et il y
a les hommes, a-t-il dit ce matin sur France Inter.

Une critique subliminale
de l'action de son prédécesseur Vincent Peillon - le ministre philosophe, le ministre des idées ;
Benoît Hamon s'annonce comme un ministre du terrain et de l'humain. Il l'avait
dit en d'autres termes au journal Le Monde  : "Toute mon action vise
à combler le gouffre entre l'incantation égalitaire des discours et l'âpre
réalité que nous constatons : l'école française est aujourd'hui la plus
inégalitaire de l'OCDE"

Ecouter > Benoît Hamon sur l'aide de l'Etat reconduite pour un an

La lutte
contre les inégalités est passée au second plan

On a mieux compris depuis deux ans que
Luc Chatel, le prédécesseur de Vincent Peillon, n'ait pas tenu sa promesse de réformer
les rythmes avant la présidentielle. Il avait pourtant créé une commission qui
pendant des mois avait planché sur le sujet. Tous les interlocuteurs étaient
représentés, elle était conduite par Christian Forestier, un homme de gauche,
les conditions semblaient donc réunies mais la droite avait reculé.

La gauche a
cru ou a voulu croire que le consensus existait, oubliant un peu vite la
réalité du terrain. C'est l'historien Claude Lelièvre, lui aussi proche de
Vincent Peillon, qui le rappelle : lors d'une consultation menée voici vingt ans auprès des enseignants sur ce sujet : "Ce qui a été plébiscité, c'est
ce qui est le plus éloigné des préconisations des chronobiologistes ",
à
savoir des journées plus longues mais moins de jours de classe.

Une semaine de quatre jours digérée

On aurait pu
aussi se souvenir que malgré les cris d'orfraie des syndicats et des
spécialistes des rythmes de l'enfant, le passage à la semaine de quatre jours
décidé à la hussarde par Nicolas Sarkozy au début de son quinquennat n'avait
suscité absolument aucune manifestation de la part des enseignants. Ces
derniers, sur le papier, avaient d'ailleurs la possibilité de maintenir une
semaine de cinq jours et quasiment aucune école ne l'avait fait.

Un seul après-midi d'activités périscolaires 

Les
communes vont pouvoir libérer un après-midi entier pour les activités
périscolaires – cela répond à une demande récurrente de communes rurales
confrontées à des difficultés pour recruter du personnel sur des plages
horaires d'une ou deux heures. Elles pourront aussi choisir entre le mercredi
matin et le samedi matin.

Les communes pourront aussi
agir sur la durée des vacances. C
hacun va devoir prendre sa calculette : ce que dit le texte, c'est
que les enfants devront avoir 864 heures de cours annuels, cinq matinées de classe
par semaine, huit demi-journées par
semaine. Cela peut s'imaginer en allongeant un peu l'année afin de diminuer le
nombre d'heures de cours par semaine ; en diminuant par exemple la durée
des grandes vacances. Mais cela restera marginal.

17% des écoles ont déjà appliqué la réforme

Il
est fort probable que ces assouplissements auraient été consentis quoi qu'il
arrive, a fortiori après la déroute de la gauche aux élections municipales. Clairement le
gros du travail avait été accompli par l'administration Peillon. Même si l'histoire
doit retenir, en cas de réussite de la réforme, qu'elle aura été concrétisée
par Benoît Hamon.

Et de fait c'est lui qui en portera la responsabilité
politique : seules 17% des communes ont appliqué la réforme à la rentrée
dernière et on se souvient des nombreux cafouillages qui l'avaient
accompagnée pendant les premières semaines de mise en œuvre. S'ils devaient se reproduire
à la rentrée 2014, ce serait sur l'ensemble des écoles. Aucun ministre et
au-delà aucun gouvernement, ne peut se permettre de rater une rentrée scolaire.

Rigidité du sytème

Ce débat est plus révélateur des rigidités du
système que de celles de tel ou tel ministre. On ne part quasiment jamais d'une
réalité de terrain en se demandant si elle répond aux objectifs généraux du
système, on fait l'inverse : on part d'un cadre national et on essaie de
faire entrer tout le monde à l'intérieur. C'est une constante que vous ne
trouvez pas seulement sur la question des rythmes scolaires. Reste à savoir si
Benoît Hamon a l'intention de multiplier les possibilités d'expérimentation ou
de dérogation sur d'autres sujets. Ce serait là un véritable changement.

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