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Idlib, en Syrie : entrer et en sortir

Eric Valmir est aujourd'hui avec Aurélien Colly, envoyé spécial permanent de Radio France, de retour d'une mission délicate à Idlib en Syrie, une enclave administrée par un groupe djihadiste et qui n'est reconnue par aucune autorité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Village de maisonnettes en construction pour les déplacés. (AURELIEN COLLY / RADIO FRANCE)

Au nord-ouest de la Syrie, à quelques encablures de la frontière turque, l’enclave d’Idlib qu’aucune autorité ne reconnait et qui est administrée par un groupe djihadiste, ancienne branche d’Al-Qaeda. Deux millions de personnes y vivent. Aurélien Colly, correspondant permanent de Radio France à Beyrouth qui avait connu ce territoire sous l’emprise des affrontements armés a découvert une toute autre atmosphère.

Les djihadistes cherchent à polir leur image

La dernière fois, c’était la guerre. Les bombardements, les morts, les populations terrées, l’activité à l’arrêt. Aujourd’hui, c’est le groupe islamiste HTS, comprendre Hayat Tharir al Sham qui gère Idlib et ses environs. Deux millions de personnes qui vivent essentiellement de l’aide humanitaire s’y sont réfugiés. La Turquie a érigé un mur pour empêcher les Syriens de passer et au sud Bachar Al-Assad assimile les habitants d’Idlib à des terroristes, - ils ont combattu contre l’armée de Damas - mais le régime syrien n’est pas le seul à les considérer de la sorte, puisque HTS est inscrite sur la liste noire américaine des organisations terroristes. Le reportage d’Aurélien Colly, diffusé sur France Culture le 22 avril dernier, montre à quel point les djihadistes cherchent à polir leur image pour obtenir des occidentaux un regard plus bienveillant.

Une autorisation des Turcs est nécessaire pour réaliser des reportages sur place

Cette province, qui se rêve autonome mais n’est reconnue par personne est administrée depuis qu’un accord a été trouvé en 2020, par un groupe islamiste, qui est une ancienne branche d’Al Qaïda … mais qui semble avoir abandonné l’objectif de mener un Djihad global pour se concentrer sur la gestion de la province d’Idlib.

Pour exercer sa profession de reporter sur place, une autorisation des autorités turques est indispensable. Ensuite, grâce au fixeur du terrain, il faut prendre attache avec les djihadistes d’HTS qui accompagnent le journaliste dans tous ses déplacements pour préserver sa sécurité. Le moindre problème entacherait l’image d’Hayat Tahrir Al Sham qui veut à la fois développer un modèle de société propre à l’Islam mais qui ne soit pas radical pour autant. Une stratégie de séduction diplomatique : changer le regard de l’Ouest sur le mouvement. Les relations internationales deviennent un enjeu pour ce groupe en quête de crédibilité politique. En revanche, la contrepartie se devine aisément, l’esprit critique, surtout de l’auto-critique n’est pas leur point fort. Le reporter doit se montrer vigilant et c’est en dehors de l’enclave que le journaliste trouvera les opposants. A Idlib même, il faut en profiter pour parler avec les familles, les femmes, les enfants, les hommes.

Les populations aspirent au calme et à la relance

Les populations syriennes qui se sont réfugiés et qui ont combattu l’armée des Assad et leurs alliés russes aspirent aussi au calme et à la relance d’une économie. C’est aussi un changement notable qu’observe Aurélien, les gens sont revenus dans la rue et des magasins ouvrent. Les combats ont été si âpres contre les forces de Moscou que les réfugiés d’Idlib ne peuvent s’empêcher de se comparer aux Ukrainiens chassés de chez eux et jetés sur les routes de l’exil.

Syrie, Ukraine, même méthode, même stratégie, même rhétorique russe aussi, selon Hussein. Lui a vécu le siège d’Alep en 2016. Aujourd’hui, il ne combat plus mais reste hanté par ces semaines, encerclé, bombardé, malgré la présence de milliers de civils dans la ville. "C’est le même scénario qui se déroule en Ukraine maintenant. Ils encerclent au prétexte que ce sont tous des nazis. Comme ils disaient qu’on était des terroristes de Daesh ou al-Nosra. C’est leur technique, explique Hussein. Ils veulent montrer au monde qu’ils combattent des terroristes ou des extrémistes. Et avec cette excuse, ils bombardent tout le monde. En commençant par les civils et pas les combattants."

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