A l’heure où les écoles de journalisme sont partagées entre soutenances de mémoires et épreuves pour intégrer l’école, rencontre avec trois jeunes étudiants à l’école de Bordeaux (IJBA) qui ont décidé de faire de la profession reporter leur métier, en dépit du climat de défiance et de la précarité.
Devenir reporter ! Ils sont nombreux les candidats aux écoles de journalisme. Quand Candice Mazaud-Tomasic et Fanny Baye disent autour d’elles qu’elles sont journalistes, puisqu’en tant qu’étudiantes, elles peuvent se prétendre tel quel, et que c’est plus un mode de vie qu’un métier, les réactions autour d’elles sont toujours les mêmes. Les visages se ferment, les corps se raidissent, et la défiance se matérialise aussitôt : "Je ne veux pas vous parler, vous allez déformer mes propos" pour les formules les plus courtoises, car la nervosité n’est jamais très loin. "Vous êtes des vendues".
Vendues à qui ? Candice et Fanny aimeraient bien le savoir, elles qui vivent dans la précarité étudiante et veulent devenir reporter justement pour porter à la connaissance de toutes et tous la justesse des situations, les nuances et les complexités de terrain. Fanny le dit même : elle ne veut pas inventer des histoires, ni même les enjoliver et les arranger à sa sauce, sinon elle serait auteur de fiction, elle veut comprendre les postures et recueillir les témoignages qu’elle restituera dans sa plus juste expression.
Un travail d’orfèvre
Il y a chez Candice, Fanny et Pierre Bourgès, la volonté d’une génération à donner aux uns et autres un autre regard de cette profession. Pierre veut apporter encore plus de transparence et de pédagogie dans la pratique de son métier. L’éducation aux médias est d’ailleurs un vecteur important. Donner aux plus jeunes les clés de compréhension, comment se hiérarchise l’information, ce qu’est une conférence de rédaction et un espace de débat. Transmettre aux plus jeunes la possibilité de s’exprimer.
Il y a chez les étudiants en journalisme d’aujourd’hui l’envie de faire ce métier, parce qu’en tant que jeunes ou simplement individus, ils ne se sentaient pas représentés dans les médias. Sans doute aussi pour cette raison, cette génération veut porter les préoccupations de l’urgence climatique, mais aussi celles du genre, et ce ne sont que deux exemples. Porter aussi plus de diversité. Pierre n’a pas voulu devenir journaliste tout simplement parce qu’il ne savait pas quelle était la voie pour le devenir, et ce qu’il fallait faire. Depuis sa Corrèze, il pensait que ce n’était pas pour lui.
A Brive, les écoles de journalisme ne sont pas dans les salons d’étudiants et les conseillers d’orientation sont en peine pour indiquer la voie à suivre. Pierre s’est orienté lui-même et personne ne l’a aidé. C’est en avançant dans sa condition d’étudiant venu de la ruralité, qu’il a trouvé un chemin qui l’a conduit à l’IJBA (Institut du Journalisme de Bordeaux Aquitaine). Sa vocation s’est alors dessinée.
La notion de responsabilité dans le fait d’informer motive et effraie Candice. Motive parce que les enjeux sont fondamentaux : lutter contre la défiance généralisée par une pratique plus ouverte du métier est une noble et forte intention, mais effrayée par l’existence de paramètres plus difficiles à maîtriser. Combien de fois un auditeur/téléspectateur croit entendre/voir ce qu’il veut bien entendre et voir. Non par malhonnêteté, mais par une mauvaise interprétation.
C’est aussi un enseignement du fonctionnement entre le canal émetteur et le canal récepteur qui demande plus de fluidité, plus d’interactions, plus de compréhension. Un investissement important des deux parties autour de la vérification d’une information, du décryptage, de la source. Et résorber les lignes de fracture.
Si la défiance se manifeste parfois par la violence physique et verbale à l’égard des journalistes, les étudiants, journalistes de demain, très attachés à la rencontre avec celles et ceux qui ne pensent pas comme eux, pour donner toutes les facettes d’une réalité plurielle, entendent s’engager au service d’une information fiable. Ce n’est pas une promesse. C’est encore plus fort, c’est une conviction.
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