Le jour où Compay Segundo a goûté aux charmes du Gers
Dans "Petite histoire de festivals", Yann Bertrand vous raconte les anecdotes, les moments forts de ces petits et grands événements qui n'auront pas lieu cet été ou en tout cas, pas dans leur forme initiale… Aujourd'hui, la venue de Compay Segundo au festival Tempo Latino, dans le Gers, en 1996.
Nous sommes le vendredi 26 juillet 1996, au festival Tempo Latino, qui aurait dû faire vibrer le Gers fin juillet cette année. Dans quelques heures le Vénézuélien Oscar D’Léon va lancer la troisième édition du festival au milieu des arènes de Vic-Fézensac. Sauf que la pluie s’abat, façon tropicale. Concert annulé, tête d’affiche envolée… Eric Duffau, le fondateur du festival, est catastrophé. "Je vais le chercher en pleine nuit, à 40 km, à l'hôtel, pour qu'il fasse une interview et prouver qu'il était là quand même !"
Heureusement, le samedi, la pluie s’arrête, et il accueille un vieux monsieur au chapeau blanc, le Cubain Compay Segundo, 88 ans, pas encore la star mondiale révélée l’année d’après par le film Buenavista Social Club. "Et je l'ai baladé en voiture parce qu'il fallait bien l'occuper." Le musicien découvre à peine la France cette année-là. "Déjà le monsieur qui venait de Cuba, débarquant pour la première fois la France, dit bonjour à tout le monde, raconte l'organisateur en souriant. Et on lui a fait goûter l'armagnac, évidemment avec un cigare."
A un moment, tout embêté, il m'explique qu'il ne lui reste qu'un cigare mais que depuis qu'il est tout jeune, avec sa grand-mère, il fumait deux cigares par jour. Mais je me suis rappelé alors que j'en avais acheté une boite à la Havane, des Cohiba je crois.
Eric Duffauà franceinfo
Compay Segundo profite de ses vacances en Gascogne, il mange bien, il dort bien et retrouve ses musiciens chaque soir sous un chapiteau. Et, bien sûr, Eric Duffau l’emmène dans une ferme voisine. "On lui a montré comment on gavait les canards, etc… Et puis après, petit buffet dehors dans la cour de la ferme. Il faisait très chaud." L’éleveur lui tend fièrement un beau plateau de toasts recouverts de foie gras et "il le pose sur ses genoux et commence à picorer. Et un chien tout poilu, une fripouille, vient le voir. Finalement, Compay Segundo, avec le chien, a mangé tout le plateau."
Le sacrilège n’empêchera pas l’organisateur de rajouter le Cubain à l’affiche de la dernière soirée, à la dernière minute. Les deux hommes sont restés amis jusqu’à la disparition du chanteur et musicien en 2003. Une star mondiale, sur le tard, qui a fait ses premiers pas en Europe, ou presque, dans un village gersois de 3 500 habitants.
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