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On s'y emploie. Trente ans de lutte contre l'alcool en entreprise

Un alcoologue, lui-même ancien malade alcoolique, livre ses souvenirs d'aide aux personnes dépendantes à l'alcool, en entreprise.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'alcool au travail. Un fléau et un tabou. Mais les choses changent. (Illustration) (GETTY IMAGES)

Patrick Buchard vient tout juste de publier un petit livre qui ressemble à des mémoires. 30 ans à aider les salariés à décrocher de l'alcool. Il suffit d'une rencontre est paru chez Flammarion. Et c'est très émouvant, attachant, très personnel.

franceinfo : C'est votre expérience personnelle qui vous a donné la légitimité pour en parler et la force d'aider les autres ensuite ?

Patrick Buchard : Oui, en première partie du livre, je dis que j'ai été moi-même malade alcoolique. La légitimité vient de là et surtout de la reprise des études que j'ai faites à partir de 30 ans. A 30 ans, je n'avais pas mon bac, j'ai passé un examen d'entrée à l'université, j'ai fait six années d'études supérieures pour devenir ingénieur de sécurité du travail, ergonome et alcoologue.

On est étonné, à vous lire, de voir que beaucoup d'entreprises laissent "croupir" dans leur coin, isolés, des salariés alcooliques

L'alcool, en famille ou au travail, c'est l'omerta. C'est très difficile de parler au malade lui-même, et on pense que c'est la vie privée. Alors que quand vous avez des dysfonctionnements au poste de travail, c'est la vie de l'entreprise, quand vous avez des consommations en entreprise, c'est la vie de l'entreprise. Quand vous avez des gens qui s'alcoolisent à l'extérieur et qui rentrent dans l'entreprise avec des taux d'alcool importants, c'est la vie de l'entreprise.

Si vous ne deviez retenir qu'une histoire, ce serait laquelle ?

On a réinséré plus de 1 500 personnes à leur poste de travail, mais je pense à ce journaliste qui est rentré en plein comité de direction déguisé en Superman et qui a fait le tour de la table, et là, on m'a appelé mais c'était un peu tard...

On vous appelle en général trop tard ? 

Toujours. Quand quelqu'un rentre dans les bureaux avec un chariot élévateur à Lyon, quand un directeur des opérations de bourse joue avec l'argent des clients, quand un acheteur commande 60 tonnes de carton au lieu de six, quand un grand négociateur immobilier fait capoter la vente d'un immeuble entier chez un notaire en insultant tout le monde, je suis appelé trop tard...

Quelle est votre méthode ? 

Quand ils me voient pour la première fois ils ne peuvent pas me raconter de bêtises. Quand je regarde autour de la table, je n'ai pas besoin d'une prise de sang pour savoir qui est confronté au problème d'alcool. Et ils savent que je sais. On arrive très vite à s'entendre. 

La perception de l'alcool dans le monde du travail a-t-elle changé ? 

Énormément. Il y a 30 ans, dans les métiers difficiles, l'alcool était très présent. Aujourd'hui ça va beaucoup mieux, il y a des systèmes préventifs. Même si ça reste un problème très délicat.

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