On s'y emploie. Quand la religion s'invite dans l'entreprise
"On s'y emploie", c'est tous les dimanches un gros plan sur le monde du travail. Aujourd'hui, le fait religieux dans l'entreprise.
Plus de deux tiers des salariés affirment qu'ils ont été témoins d'une manifestation du fait religieux dans le travail. C'est ce qu'affirme l'auteur d'un livre sur la religion au travail à paraître demain.
Denis Maillard est rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, spécialiste des questions sociales et des mutations du travail. Il a notamment travaillé longtemps dans un cabinet de prévention des risques.
Son livre Quand la religion s'invite dans l'entreprise parait lundi chez Fayard.
Quels sont les exemples les plus courants de l'irruption du religieux dans l'entreprise ?
"Il y a trois situations, explique Denis Maillard. Celles qui concernent l'organisation du travail, des demandes d'aménagement d'horaires, de jours fériés, de congés particuliers. Des demandes qui concernent la vie collective, comme des repas à la cantine. Et puis des cas plus problématiques, qui concernent des revendications individuelles et identitaires. Ce sont deux choses très simples qui sont, d'une part les rapports entre les sexes, et le refus d'autre par, au nom de sa religion, de réaliser certaines tâches."
Comme livrer de l'alcool ou d'acheter du jambon pour une dame pour laquelle on fait les courses ?
"Le premier exemple concerne un manutentionnaire qui doit décharger des caisses d'alcool. Il annonce à son patron qu'il ne le fera plus parce que sa religion lui interdit d'être en contact avec l'alcool. Le patron, pensant bien faire, demande à un imam de venir et de le ramener à la raison..."
Vous dites dans votre livre que la très grande majorité des problèmes sont liés à l'islam
Denis Maillard : "Oui, majoritairement les cas problématiques sont liés à l'islam. Il faut arriver à nommer le fait musulman au travail pour le dépassionner, pour le comprendre et traiter au mieux les situations qui se présentent. Les musulmans ne sont pas différents des autres salariés, ce sont des individus qui veulent comme les autres affirmer une identité, il se trouve que c'est une identité religieuse".
Vous dites que ce phénomène prend de l'ampleur, comment l'expliquez-vous ?
Denis Maillard : "Le fait religieux est révélateur des transformations du travail. Depuis 40 ans le travail s'est transformé. On a vécu ce que les sociologues appellent une subjectivisation du travail, c'est-à-dire qu'on a dit aux gens "venez comme vous êtes", investissez dans votre travail votre subjectivité, votre personnalité, votre créativité, et notamment votre identité. Cela a fait partie de toutes les politiques de diversité, sauf qu'elles butent aujourd'hui sur cette question de l'identité religieuse. Pour traiter le problème, il faut remettre au centre des discussions ce qui fait que on est en commun dans une entreprise, c'est la question du travail."
Les entreprises qui sont en butte à ces problèmes, quelles sont leurs préoccupations, leurs questions ?
Denis Maillard : "La question c'est : comment on fait avec des salariés dont l'identité est difficilement négociable, et pour ne pas à avoir en permanence soit à rappeler le code du travail, soit menacer d'un licenciement ou d'une sanction, soit d'un autre côté, par peur d'être accusé d'islamophobie, de céder à toutes les demandes. Entre ces deux écueils, ce que je conseille c'est de remettre en discussion le travail, parce que c'est le seul moyen de rappeler à tout le monde que ce qu'on fait dans l'entreprise, c'est de travailler ensemble, et que les identités doivent se mettre en sourdine."
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