Cet article date de plus de quatre ans.

On s'y emploie. Accidents mortels du travail : un prof de Seine-Saint-Denis mène sa propre enquête

Les accidents du travail sont repartis à la hausse, selon les derniers chiffres publiés par l'assurance maladie. Un professeur d'histoire-géographie de la banlieue parisienne tient une chronique des accidents mortels, pour sortir les victimes de l'anonymat. 

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Un cordiste, à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Photo d'illustration (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Matthieu Lépine est professeur d'histoire-géographie, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, et il tient une chronique, à travers un blog et un compte Twitter, des accidents du travail, des accidents mortels. L'assurance maladie recense officiellement 551 accidents mortels en 2018.

franceinfo : Vous-même, vous en avez repéré combien, et comment faites-vous ?

Matthieu Lépine : sur 2018, je n'ai pas fait un travail assez précis, mais sur 2019, dans mon recensement qui est limité à ce que l'on peut trouver sur internet, notamment dans la presse quotidienne régionale, j'ai recensé 412 décès au travail.

C'est un chiffre qui est bien en-deçà de la réalité, puisque l'assurance maladie ne recense que les accidents du secteur privé, donc si on rajoutait les près de 10 millions de travailleurs qui ne dépendent pas du régime de la sécurité sociale, qui sont par exemple des agriculteurs, des indépendants, des travailleurs détachés, des travailleurs sans papiers, on arriverait à un chiffre qui serait bien supérieur à celui qu'on nous annonce. 

Si on ajoute à tout cela les maladies professionnelles, les suicides, les accidents de trajets, on tourne en France entre 1.000 et 1.200 morts, du fait du travail chaque année.

Pourquoi faites-vous cela ?

J'ai été choqué de voir un sujet aussi grave, avec 630.000 blessés par an, aussi peu traité. J'ai commencé - à la manière de David Dufresne et le travail qu'il mène sur les violences policières - à faire un décompte des accidents du travail, en faisant à chaque fois, un signalement à la ministre du Travail, comme lui le fait pour la place Beauvau. Et je me suis fixé comme objectif de lutter contre l'invisibilisation des victimes puisque, la plupart du temps, on a des articles très courts, très laconiques, mais ce que l'on oublie, c'est que derrière, il y a des vies brisées, des familles brisées.

Que disent ces accidents du monde du travail ?

Ils disent qu'en 2020 on peut encore mourir au travail. Cela met aussi en lumière la précarité du travail parce qu'on trouve beaucoup d'intérimaires dans ces morts.

Cela met aussi en question la déresponsabilisation des donneurs d'ordre. On voit que plus le donneur d'ordres est loin du chantier, plus les accidents sont récurrents. Il y a énormément de sous-traitants dans les accidentés.

Cela donne aussi à réfléchir sur les nouvelles formes du travail, avec des personnes qui se retrouvent isolées, à travailler seules - du livreur à l'auto-entrepreneur - qui travaillent seules dans des conditions parfois compliquées.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.