Nouveau monde. StopCovid révèle nos peurs face au numérique
L’application de traçage numérique StopCovid a déclenché des levers de boucliers, parfois irrationnels, qui en disent long sur notre rapport aux technologies.
"Si vous installez cette application et que vous avez mon numéro de téléphone dans vos contacts, surtout effacez-le !", a dit le député Jean-Luc Mélenchon à la tribune de l’Assemblée Nationale. En fait, celui-ci faisait allusion à l’une des pires fake news autour de StopCovid, selon laquelle l’application récupèrerait les contacts dans nos carnets d’adresses pour les tracer. C’est faux.
Derrière cette anecdote, se cache l’insondable inquiétude que le numérique suscite auprès de nombreuses personnes. Des inquiétudes légitimes sur la surveillance et la vie privée qui se transforment en croyances irraisonnées par méconnaissance ou par influences.
Fake news
Un autre élu, le sénateur Alain Houpert, a lui aussi donné écho, sur Twitter, à une fake news, selon laquelle l’application aurait été installée de force sur nos smartphones. En fait, il s’agissait de la "fonction Covid" développée par Apple et Google, apparue sur iOS et Android à l’occasion de mises à jour. Le sénateur a finalement retiré son tweet et s’est expliqué.
Comment peut-on confondre une fonction du système d’exploitation (qui apparaît dans les réglages du téléphone) avec une application ? Comment peut-on croire qu’Apple, qui ne plie ni devant le président des Etats-Unis (affaire San Bernardino) ni devant le Gouvernement français lorsque celui-ci lui demande d’ouvrir son Bluetooth, puisse soudain se monter complice au point d’installer nuitamment une fonction de traçage (mal) cachée ?
L’appli la plus éthique qui soit
StopCovid est sans doute l’application la plus inoffensive jamais installée sur nos smartphones. Elle a reçu l’aval de la CNIL. Sa conception a été encadrée par l’ANSSI. Elle a fait l’objet d’une recherche de bugs (bug bounty) et sa sécurité a été éprouvée par la société Pradeo qui la classe 1ère mondiale, ex-aequo avec l’appli allemande. Malgré cela, et paradoxalement, elle a focalisé toutes nos angoisses.
Il y a quand même une sacré contradiction à ne pas vouloir installer StopCovid pour des questions de vie privée et, en même temps, utiliser abondamment WhatsApp, TikTok ou toutes sortes d’applications autrement plus intrusives, non ? Pourquoi se braquer contre une appli étatique et continuer à utiliser sa carte vitale ou sa carte bancaire qui sont de formidables outils de traçage ? Tout cela ne parait pas très logique.
Le numérique fait peur
La réalité, c’est que "le progrès n’a plus bonne presse", comme l’a dit le secrétaire d’Etat Cédric O à la même tribune de l’Assemblée. Jadis perçu comme un élément de progrès et d’amélioration du quotidien, le numérique est aujourd’hui synonyme d’asservissement potentiel. C’est cette angoisse qu’il convient de considérer.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Les dérives de certains géants du numérique, comme Facebook ou Google, en matière de vie privée n’y sont pas pour rien. Les applications totalitaires et liberticides développées en Chine et dans d’autres pays d’Asie n’arrangent pas non plus les choses. Mais, sous prétexte de vouloir dénoncer et alerter, les reportages et les livres accusateurs distillent la peur.
Le numérique est aujourd’hui un sujet de société. Reste à l’aborder avec sérénité et rationalité. Diaboliser à outrance risque d’avoir l’effet inverse de la vigilance recherchée. Plus que jamais il semble nécessaire de développer l’information et la formation sur ces sujets afin que la quête du risque zéro ne se transforme pas en rejet aveugle de l’innovation.
Cet article a été publié initialement sur attitude-techno.fr
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