Nouveau monde. C’était comment Twitter à l'époque de la "Ligue du Lol" ?
Les journalistes français accusés de cyberharcèlement dans le cadre de l’affaire de la "Ligue du Lol" incarnent une génération de pionniers des réseaux sociaux qui ont cru, il y a dix ans, que tout était permis.
En 2009, on comptait à peine 2% des Français sur Twitter contre 16% à la même époque sur Facebook et à peu près 10% aujourd’hui sur Twitter. C’était les débuts en France de la plateforme au petit oiseau bleu, créée aux États-Unis en 2006. Très ancré sur l’actualité et la vie citoyenne, Twitter a toujours été le réseau de prédilection des journalistes et des communicants. Frais émoulus de leurs écoles de journalisme, les jeunes de la "Ligue du Lol" étaient des pionniers.
Ils se sont fait embaucher dans des rédactions et ce sont eux qui ont fait entrer les réseaux sociaux dans les médias traditionnels. Vincent Glad, par exemple, assurait une chronique sur Canal+ dans Le Grand Journal tandis qu’Olivier Tesquet apportait un regard sur le numérique dans les colonnes de Télérama. Chacun d’eux comptait alors plusieurs milliers de followers, ce qui en faisait des acteurs très influents à l’époque. "On était des caïds", reconnaît Vincent Glad.
Des militants féministes ou antiracistes pris pour cible
Les caïds ont imposé leurs règles. Ils maniaient l’humour, souvent brillant mais lourdement potache, avec des tonnes d’ironie et de dénigrement. Quelque chose hérité du fameux "esprit Canal" ou du mensuel satirique Fluide Glacial. Ils en sont venus à se moquer de tout ce qui ne leur ressemblait pas. Leur cible de prédilection étaient les blogueurs et autres influenceurs qui n’étaient pas de leur monde comme les youtubeuses beauté et autres militants féministes ou antiracistes, sans doute trop primaires à leurs yeux.
Ces gens n’étaient pas Parisiens comme eux. Certains étaient même fragiles, comme l’indiquent les témoignages et trouvaient sur le web 2.0, eux aussi, un moyen d’exister. Les intellos de la "Ligue du Lol" n’ont pas compris qu’il allait falloir partager ce nouveau territoire virtuel. Ils les ont pris à partie et c’est allé loin, trop loin.
Des membres du groupe ont dérapé. Ils en sont venus à des attaques humiliantes à base de montages photo à caractère sexuel, de canulars, de cyber-raids et de ce que l’on n’appelait pas encore du cyberharcèlement. L’affaire de la "Ligue du Lol" n’est donc pas une affaire de journalistes mais bien une affaire de réseaux sociaux.
Est-ce que Twitter c’est mieux aujourd’hui ?
Aujourd’hui, Twitter a changé, de même que la société. Mais, malheureusement, on ne peut pas dire que ce soit mieux. Ce serait même pire. Il y a plus de monde sur les réseaux sociaux et ceux-ci sont devenus de véritables déversoirs de haine.
Comme dans la vraie vie, on observe une montée des extrémismes et aussi, parallèlement et paradoxalement, une montée du politiquement correct. En effet, l’annexion des réseaux sociaux par toutes sortes de groupes militants conduit à museler toute parole inappropriée risquant de heurter la sensibilité des uns ou des autres. Le cyberharcèlement continue de plus belle, de même que les "cyber raids". D'ailleurs, les ex-membres de la "Ligue du Lol" en font les frais et se retrouvent, à leur tour, aujourd'hui, sur le banc des accusés du tribunal Twitter.
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