Cet article date de plus d'onze ans.

LPM: le Net vent debout contre les "grandes oreilles" françaises

Va-t-on vers une surveillance généralisée d'Internet ? Une surveillance non pas américaine mais bien française... La loi de programmation militaire adoptée mardi soir inquiète au plus haut point les professionnels du Net.
Article rédigé par Jérôme Colombain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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On ne parlait que de cela ou presque hier dans les allées de la conférence Le Web à Paris. L'Etat
français serait en train de mettre en place une "dictature
numérique
", selon les propres termes de Gilles Babinet, responsable du
numérique pour la France auprès de la Commission européenne. "Une surveillance
généralisée des citoyens
", selon l'association d'entrepreneurs
Renaissance Numérique. Un "Fukushima
des données personnelles
", selon l'activiste Jérémie Zimmerman. Bref, des libertaires de
la Quadrature du Net au Front national en passant par le Medef, c'est une
véritable levée de bouclier.

De quoi
s'agit-il ?

C'est un tout petit
article de la loi de programmation militaire actuellement en discussion au
Parlement, l'article 13, qui a mis le feu aux poudres. Cet article élargit la
collecte des données personnelles détenues par les opérateurs Internet,
fournisseurs d'accès mais aussi plateformes d'échange comme les réseaux
sociaux. Désormais, n'importe quel fonctionnaire de l'Intérieur, de la Défense,
de l'Economie et des finances et du Budget pourra avoir accès, après avoir été
accrédités, à toutes ces données.

Les opposants
craignent que cela débouche carrément sur une collecte en temps réel qui se
ferait donc en dehors du contrôle des juges. Un véritable
Prism à la française qui ferait presque passer les abus de la NSA américaine
pour une plaisanterie.

En plus, cette
nouvelle disposition va bien au delà de la lutte contre le terrorisme. Elle
concernerait tout ce qui touche à la lutte contre la criminalité, la
délinquance organisée, voire, comme l'indique l'article 13, la préservation du
"potentiel scientifique et économique de la France".

Exil numérique en Suisse ?

Les défenseurs du
projet affirment au contraire que cela clarifie le cadre légal des
interceptions dans le respect de la vie privée. N'empêche, la
CNIL, la Commission Nationale Informatique et Libertés désapprouve et déplore de ne pas
avoir été saisie. Quant aux entreprises
du numérique, dépositaires des données personnelles de leurs utilisateurs,
elles, se sentent directement menacées.

Hier, à la
conférence Le Web, un grand acteur français de l'Internet nous confiait qu'il
avait pris sa décision et qu'il allait transférer toutes ses données sur des
serveurs informatiques situés... en Suisse. Ce serait la seule solution, selon
lui, pour échapper aux grandes oreilles de l'Etat français.

Mais ce tollé de
protestation n'a pas eu raison de la loi qui a été adoptée hier soir en l'état après
un vote au Sénat.

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