La Banque de France s’inquiète de la contribution des technologies numériques à la "panique bancaire"

La viralité de l'information partagée en ligne et le développement des virements instantanés sont de nature, selon l'institution française, à favoriser des campagnes massives et rapides de retrait des dépôts bancaires.
Article rédigé par franceinfo, Nicolas Arpagian
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
En 2023, la SVB a dû fermer suite à une panique bancaire : un grand nombre de clients a retiré son argent par virement  direct. (HANS LUCAS / AFP)

La confiance est un des principes fondateurs du système bancaire. C’est la foi que vous avez dans la disponibilité des sommes sur votre compte qui fait que vous n’avez pas votre argent en billets et pièces sous votre matelas, mais dans une banque. Cela fonctionne dès lors que les dépositaires retirent des espèces seulement lorsqu’ils en ont besoin. La hantise des financiers est le phénomène de bank run ou de "panique bancaire" : lorsque les clients d’une banque décident simultanément de retirer leurs dépôts. Cela conduit à la fragilisation et à la faillite de l’établissement bancaire concerné.

Des bank runs en 2008 et 2023 aux Etats-Unis

Ce n’est pas que de la théorie puisqu’en mars 2023 aux Etats-Unis, un tel phénomène a touché en Californie la Silicon Valley Bank (SVB). D’autres banques étasuniennes, comme la Silvergate ou la Signature Bank, ont également fermé à cette période. Il aura suffi de quelques jours à peine pour les fragiliser par des retraits massifs suscités par l’inquiétude des épargnants.

Dans une publication de décembre 2024, la Banque de France a analysé ces différents cas. Ainsi, le 9 mars 2023, 25% des avoirs des clients de la SVB ont été retirés. Soit 42 milliards de dollars en 24 heures. Elle a fermé le lendemain. Ces volumes s’expliquent, selon les analystes publics, par l’implication des technologies. D’une part la viralité de l’information par les réseaux sociaux, conduisant à susciter et à amplifier une mécanique de crainte collective de se retrouver dépourvu de son argent ; dans le cas de la SVB, la concentration des clients sur un même territoire (la Silicon Valley) et leur hyperconnexion aux médias en ligne ont sûrement contribué à gonfler la mobilisation. D’autre part, les dispositifs de virement instantanés ont facilité le transfert des fonds. Chacun était autonome pour rapatrier ses actifs, sans l’intervention d’un banquier ou la contrainte des horaires d’ouverture d’une agence.

Dans les cas antérieurs de panique bancaire, notamment en 2008, il a fallu 9 jours pour que les retraits mettent en faillite la banque Washington Mutual, contre 24 heures, donc, en 2023 pour la SVB.

Des moyens d'anticipation encore limités

Les instances de régulation bancaire du secteur comme le Comité de Bâle ou le Conseil de stabilité financière du G-20 ont publié ces derniers mois des analyses stratégiques à ce sujet, caractérisant ce risque d’amplification de la menace via les outils numériques. Il va leur falloir être convaincant et créatif pour trouver des solutions de protection. Au risque de voir les épargnants qui en ont les moyens saupoudrer leurs avoirs entre différentes banques de manière à bénéficier de la garantie légale des dépôts, soit 100 000 euros par banque dans l’Union européenne, et 250 000 dollars aux Etats-Unis. Un problème de riche, certes, mais pas seulement.

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