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Prendre sa vie en main

C'est le dossier de ce mois-ci de Psychologies Magazine. Plus question de se laisser dépasser par les événements, par les contraintes, par les tâches de parent ou d'employé modèle ; fini de laisser le destin -ou les autres-, décider pour nous : on va tenir les rênes de notre existence comme bon nous semble.
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On est
nombreux à envisager la rentrée avec cette bonne résolution en tête, avec cette
volonté de ne plus se laisser faire, de redevenir celui qui décide et qui agit.
Sauf que, souvent, très vite, on l'oublie. On se retrouve avec ce sentiment de
subir ce qui nous arrive, plutôt que de le choisir. Eclairage avec Anne-Laure
Gannac journaliste à Psychologies Magazine.

Est-ce inévitable ?

Si
l'objectif, c'est d'être enfin seul maître de son destin, de tout contrôler,
tout maîtriser, alors oui, là, la chute est inévitable. Parce que, ce n'est ni
plus ni moins qu'un fantasme de toute puissance. Et comme tout fantasme, il est
voué à la déception dès qu'il est confronté à la réalité : nous ne sommes
pas seuls à décider de notre vie.

Pour
autant, cela ne veut pas dire que nous sommes condamnés à subir ce qui nous
arrive, en pauvres victimes. D'ailleurs, on ne subit pas vraiment, on a surtout le sentiment de subir. On a l'impression d'une fatalité qui s'abat sur nous et
nous rendrait impuissant.

D'où
vient cette impression ? Est-ce uniquement un fantasme ? Une fausse
croyance ?

C'est une
croyance vieille comme l'humanité. Les stoïciens parlaient de l'ormè ,
sorte de force supérieure supposée nous guider, Schopenhauer croyait, lui, en
une volonté aveugle. En fait, cette vision fataliste de
l'existence parle surtout de nos névroses et plus précisément de notre
tendance à l'interprétation. Notamment, à établir des liens entre les événements,
à généraliser, à voir des répétitions systématiques un peu trop vite : "Il
m'a trahi, comme tel autre il y a six mois... Mais moi, de toutes façons, on
finit toujours par me trahir" Comme si, au fond, on était maudits.

Est-ce vraiment difficile d'être davantage maître de son destin ?

Cela veut dire qu'il faut prendre ses responsabilités, et ce n'est pas facile,
ça peut être angoissant. Cela suppose qu'on prend le risque de déplaire et
de ne pas faire ce que les autres, pense-t-on, attendent de nous. Cela veut
dire aussi qu'on prend le risque de se confronter à ses limites, de se tromper.

Peut-on prendre
du plaisir dans ce type de position victimaire ?

Pas
consciemment, c'est sûr, mais il y a bien une part en nous qui
trouve cela assez confortable. Quoi qu'on en dise, quoi que l'on souhaite parfois très fortement, au fond on préfèrera, souvent, se laisser mener par ses
habitudes ou par les autres. Parce que, la frustration coûte moins que l'énergie nécessaire pour en sortir. r.

Comment
sortir de ce mode de fonctionnement ?

Le piège
c'est de réagir à l'extrême en sombrant dans l'hyper contrôle. Cette envie de
tout maîtriser. C'est souvent ce qui se cache derrière nos bonnes intentions de
rentrée, notamment : "désormais je serai comme ceci, dès demain je
ferai comme cela". On s'y tient éventuellement quelques jours, et puis...

Est-ce
qu'il faut en conclure qu'on ne peut pas changer ?

Non, plutôt
qu'on ne peut pas changer la vie elle-même. Parce que c'est cela qui est à l'œuvre
dans ce type de démarches volontaristes.
On décide d'avancer, en forçant les choses, les circonstances, les événements,
en se forçant soi-même aussi, en reniant ce que l'on est, ses besoins, ses émotions,
son histoire. Au lieu d'avancer avec tout cela, d'intégrer tous ces éléments.
C'est ce que dit très bien le philosophe Alexandre Jollien. Lui, plutôt que " prendre
sa vie en main " préfère dire " prendre sa vie dans les bras ",
l'accueillir. Il fait cette confidence : "je me rends compte que
quand je voulais tout maîtriser, je maîtrisais moins que maintenant, depuis que
j'apprends à donner ma confiance à la vie
". C'est cela la clé,
paradoxalement, pour se sentir maître de son destin : trouver le bon compromis
entre ses désirs, ses objectifs et un certain abandon, une confiance en la vie.

Le
fameux " lâcher prise "

Il faut se
méfier des expressions toutes faites qui ont tendance à enfermer plus qu'à
soutenir. Quand on dit à quelqu'un qui va très mal qu'il lui faut lâcher
prise, on lui impose un effort supplémentaire. C'est déjà assez compliqué
de gérer sa souffrance. De fait, Alexandre Jollien va jusqu'à dire qu'il nous
faut "lâcher, même le lâcher prise".

Est-ce
de cette façon que l'on va pouvoir reprendre les choses en main sans que
cela passe pour de la résignation ?

Ce n'est
pas de la résignation. En fait, pour le comprendre, il faut d'abord faire la
distinction entre action et réaction. Quand vous décidez : "Allez
c'est sûr, dès demain je me mets au régime" ou "Demain, j'arrête de
me faire marcher sur les pieds", ou "Je ne me laisse plus déborder
par le travail", en fait, vous êtes en réaction. Vous réagissez à une
situation qui vous met en colère, ou qui vous rend triste.
Vous niez tout cela, tout ce qui est votre réalité, pour foncer. Mais ça ne peut pas tenir. Il faut en fait développer l'action. Et agir
c'est comme le dit le philosophe, "être là et avancer avec ce qui est" .
Ne pas résister, ne pas lutter, mais être attentif, être à l'écoute. De soi, de
ses émotions, des autres, des événements. Au fond pour prendre sa vie en main,
il faut commencer par prendre la réalité en compte.

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