Pour Jean-Claude Kaufmann, le romantisme est devenu hasbeen. Le sociologue estime en effet qu'on vit aujourd'hui dans une société duplaisir et de la maîtrise. On est donc d'accord pour aimer, mais surtout paspour souffrir, et le romantisme il faut le rappeler, c'est un package, quiinclut les déclarations enflammées et les serments d'amour éternel, mais aussi le déchirement sentimental,l'impression qu'on ne pourrait pas vivre sans l'autre. C'est donc l'amourabsolu, qui par définition peut faire très très mal.Pour soutenir sa thèse, le sociologue s'appuie sur deuxtendances, très prégnantes dans la société actuelle :Lafigure du friend fucker, avec qui on décide d'avoir une sexualité, on va direhygiénique, lorsqu'on n'a pas mieux. Le sociologue se garde bien de juger les hommes et les femmes qui ontrecours à ce deal entre amis – qui consiste à coucher ensemble sans engagement,ni quelconque illusion sentimentale – mais rappelle que ce n'est clairement pasun idéal d'absolu.L'essor des sites derencontres, sur lesquels on peut désormais chercher un partenaire en fonctionde critères extrêmement pragmatiques - comme l'âge, mais aussi le lieu derésidence, le montant des revenus ou la couleur des yeux – sites, qui selonlui, ont contribué à transformer l'autre en produit : on est d'accord pourrencontrer quelqu'un qui rentre dans nos cases, mais pas pour se mettre endanger, en prenant le risque d'aimer quelqu'un qui soit trop différent de nous.Alors que pour le sociologue, l'amour, enfin le grand amour c'est exactement lecontraire puisqu'il consiste à accepter le bouleversement que va supposerl'intrusion et l'influence de l'autre, avec toutes ces différences, dans notrepetite vie. La recherche du grand amour reste un idéal fortC'est la thèse que soutient Ariane Charton, spécialiste enlittérature romantique, qui estime que le romantisme est loin d'être mort, etque ce sont les outils, de la recherche comme de la parade amoureuse, qui ontévolué. Elle rappelle que la promesse des sites de rencontres, leur slogan entout cas, c'est de nous permettre de trouver le grand amour.Evidemment on n'envoie plus des billets doux mais des textosou des sextos, on n'attend plus le retour du chevalier servant parti à laguerre, mais on va fantasmer, pendant des semaines, sur un inconnu avec qui ontchaté sur le web et on va passer un temps fou à imaginer notre premièrerencontre avec cet inconnu.Elle rappelle aussi que les amours virtuels ont remis au goûtdu jour les correspondances amoureuses, avec ces gens qui commencent désormaisdes relations en s'envoyant des messages via les sites de rencontres. Il y adonc un vrai retour de l'écrit, de l'échange épistolaire, qui est on ne peutplus romantique.Ariane Charton va plus loin, en soutenant que même l'essordes divorces peut être considéré comme quelque chose de romantique puisqu'avanton ne divorçait pas, même quand on était malheureux dans son couple, et qu'àl'inverse, les gens qui se séparent sont des gens qui affirment clairement leurvolonté de ne pas se contenter d'un mariage de façade ou d'un amour au rabaiset qui sont prêts à sacrifier leur petit confort au nom d'un absolu, en s'offrantla possibilité de retomber pleinement amoureux.Le romantisme à encore la coteA 85% les lecteurs de Marie Claire estiment que leromantisme n'est pas du tout has been et qu'il a de très beaux jours devantlui. Ces lecteurs ont parfaitement conscience des évolutions de notre société, unesociété qu'ils savent de plus en pragmatique et individualiste, mais ilssemblent continuer à croire au grand amour.Même Jean Claude Kaufmann, dontl'analyse pouvait paraître très pessimiste, est persuadé que le consumérismesentimental a ses limites parce qu'il ne rend pas heureux sur le long terme. Lesociologue est donc persuadé qu'on finira par revenir à une réelleglorification du romantisme, parce qu'on a tous besoin d'irrationalité, dedépassement. Et de pouvoir continuer à rêver au grand amour.