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L'été, période propice aux produits du terroir contrefaits

Avec le magazine "Que Choisir" , gros plan sur tous ces produits "authentiques" dont nos marchés régionaux regorgent. Comment s'y retrouver ? On en parle avec Erwan Seznec qui a mené l'enquête pour Que Choisir.
Article rédigé par franceinfo
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Nos marchés de l'été vont regorger de beaucoup de produits contrefaits et d'imitations bas de gamme, comme tous les ans. C'est vrai dans l'alimentation mais aussi dans les produits manufacturés.

Couteau, tissu provençal et charcuterie 

Ils sont légions : les couteaux de Laguiole sont très souvent fabriqués en Asie,  le tissu dit "provençal " vient de partout sauf de Provence : il reste un seul fabricant de linge de maison en région PACA et sa production est confidentielle. Quant à la charcuterie présentée comme de "montagne", elle est souvent élaborée à partir de porcs danois. Sachant que le point culminant du Danemark est à 176m. 

Est-ce qu'on peut parler d'arnaques ?

Pas toujours. Laguiole , par exemple, désigne un type de couteau, comme on parle de béret basque. Les fabricants historiques, ceux du village de Laguiole, dans l'Aveyron, mais surtout de Thiers, dans le Puy de Dôme , n'ont jamais déposé les caractéristiques du fameux couteau à l'Institut national de la propriété industrielle. Tout le monde a droit de faire des Laguiole, et les Pakistanais ou les Chinois ne s'en privent pas (en pratique, d'ailleurs, ce sont des importateurs français qui vont les chercher pour inonder le marché national avec des imitations bradées). Idem pour nappe "provençale ". C'est un style, des coloris, mais en aucun cas une marque ou un label. Quant au melon de " Charente ", c'est une variété qu'on peut cultiver en Espagne ou au Maroc.

Là où il y a arnaque, c'est quand on vend de l'huile d'olive française qui vient d'Espagne ou des olives AOC qui viennent d'ailleurs. C'est sanctionnable parce que ces produits sont protégés par un cadre juridique précis, une appellation avec, derrière, un cahier des charges opposable aux fraudeurs. Dans ces cas là, l'administration des fraudes veille au grain.

Des fraudes fréquentes

On n'a pas de chiffre, évidemment, les fraudeurs ne remplissent pas une
déclaration annuelle d'activité, mais oui, la fraude est très fréquente. Prenez la production d'huile d'olive française. Elle est minuscule : 4000t, contre 1,3 million de tonnes en Espagne. Or, on trouve de l'huile "française" un peu partout dans le midi. Il y a des pratiques qui ne sont pas de la fraude au sens légal mais qui sentent bon l'entourloupe : vous fabriquez un stand en bois façon chalet de montagne, vous accrochez des photos d'alpages dessus avec un bouquet de fleur des champs et vous vendez du miel : tout est fait pour suggérer que c'est du miel de montagne, alors qu'il est importé de Turquie. Mais à aucun endroit le commerçant n'écrit "miel de montagne". Il n'est pas fou ! Pas de fraude, c'est imparable.

Faut-il durcir la réglementation ?

D'abord, il faudrait utiliser correctement celle qui existe ! Les producteurs de charcuterie corse viennent seulement d'obtenir l'indication géographique protégée pour certains produits. Les petits malins ne pourront plus, à partir de l'an prochain, utiliser l'appellation "Corse" si les porcs ne sont de race "nustrale" élevés dans l'île dans les règles de l'art.

Faut-il plus de loi ?

Ce n'est pas sûr. Le gouvernement précédent avait lancé un projet d'indication géographique protégée, les IGP, pour les produits manufacturés. Actuellement, il existe des IGP seulement dans l'alimentaire. Le projet n'a pas abouti, notamment parce qu'il est parfois très compliqué de définir le produit qu'on veut protéger. Il faut être réaliste,  on ne va pas réglementer sur tout. En plus, certaines réglementations sont détournées : Le nom Laguiole a été déposé par une entreprise du Val de Marne, la commune est en procès contre elle depuis plus de dix ans. Le droit règle des problèmes, mais il peut aussi en créer.

Comment le consommateur peut-il s'y retrouver ?

C'est très difficile. La provenance des produits doit être indiquée, mais l'étiquetage sur les marchés laisse souvent à désirer. L'indicateur le plus fiable est peut-être le prix. A 20€, un couteau n'est pas de fabrication artisanale. A 10€ les trois, mieux vaut ne pas chercher à savoir ce qu'il y dans vos saucissons corses. Ca n'empêche pas de savourer l'ambiance d'un marché. Mais il ne faut pas être dupe.

L'enquête sur les arnaques aux produits régionaux est à retrouver dans le magazine Que Choisir de Juillet/Août.  

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