Adieu Paris, bonjour la province
On en parle avec Anne Laure Gannac, rédactrice en chef de Psychologie Magazine.
La principale raison qui apparaît dans ce sondage, et que l'on devine aisément, c'est la quête d'un cadre de vie plus agréable. Tout simplement. On veut moins de pollution, moins de bruit, moins d'agitation, moins de stress, et bien sûr moins de dépenses aussi, une vie moins chère...
C'est logique. Sauf que cette pollution, ce stress, cette vie parisienne plus chère ne datent pas d'aujourd'hui...
D'abord, notre époque est celle du mouvement. La sédentarité à vie n'est plus notre mode de fonctionnement : du fait des nouvelles technologies, des transports facilités, de la flexibilité du travail ,ou plutôt de sa précarisation!, vivre toute sa vie de la même façon, au même endroit, dans le même poste n'est plus un idéal comme cela l'a longtemps été. Et cela, on peut le voir comme un signe de fragilisation, d'instabilité, mais aussi comme un signe de liberté : on n'est plus condamné à rester ce que l'on est.
On n'est plus condamné à rester ce que l'on est.
Il faut se rappeler que longtemps, changer de région, donc de vie, passait pour une lubie de marginal. Voire un aveu d'échec. A notre époque plus individualiste, c'est plutôt le signe d'une indépendance, d'une liberté et d'une quête de mieux être. Il s'agit de réussir sa vie et non plus réussir dans la vie.
Et en quoi ce mouvement qui va de Paris vers la province serait plus propice à ce changement d'état d'esprit ?
Il est assez révélateur d'un bouleversement des valeurs, d'une remise en questions des priorités. Au fond, vivre à Paris, cela veut dire quoi ? Pourquoi est-ce que, pendant longtemps, on a voulu "monter à Paris", comme on disait ? Dans l'espoir de trouver un travail intéressant, de faire carrière, pour voir la vie en plus grand, en plus vite, en plus intense, en plus brillant aussi. Paris, c'est le travail, la réussite, mais aussi le luxe, la mode, les mondanités, les sorties... Autant de symboles qui ont trait à la représentation, au paraître, au jeu social... Et c'est tout cela qui aujourd'hui, pour beaucoup, perdrait son intérêt. Au bénéfice de quoi ? D'une quête de vie plus lente, plus calme, en plus grande harmonie avec l'environnement, la nature, plus adapté à une vie de famille tranquille. Comme un passage du paraître à l'être. En cela, oui, c'est un changement de valeurs qui s'exprime.
Et à quoi tient ce changement de valeurs et de priorités ?
La crise n'y est pas pour rien. Avec elle, on en vient inéluctablement à s'interroger sur ce qui fait sens, pour soi. Qu'est-ce que je veux ? Qu'est-ce qui compte réellement pour moi ? Est-ce que ce: après quoi je cours sait me rendre heureux ? Dès qu'on se pose ces questions, on effectue un retour sur soi qui très souvent, aboutit à un désir de plus de simplicité pour soi et pour sa famille.
Est-ce que, derrière tout cela, il n'y a pas quand même une idéalisation de la vie de province ?
Il y a sans doute une part de fantasme, et qui explique que beaucoup ne franchissent pas le cap. Ce projet restera pour eux de l'ordre du rêve. Mais à ce titre, c'est intéressant de voir que les régions dans lesquels les franciliens rêvent de s'installer sont d'abord, la Provence et la Bretagne : parce que ce sont les premières destinations de vacances des parisiens. A priori, on peut en conclure que ce qui est espéré c'est de vivre toute l'année comme en vacances, et cela relève du fantasme et de l'idéalisation de la vie provinciale. Sauf que lorsque vous regardez ce sondage en détails, vous voyez que ce qui attire ces franciliens ce n'est pas la vie à la campagne ou au bord de la plage, mais les petites et moyennes villes. Autrement dit le but n'est pas de ne plus rien faire : on veut rester dans la vie active...
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