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Micro européen. Annus horribilis à l’espagnole…

L’exil de l'ancien roi Juan Carlos, 82 ans, aux Émirats arabes unis, le 4 août dernier, repose-t-il en Espagne la question de la gouvernance, monarchie ou république ?

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'ancien roi d'Espagne Juan Carlos lors des funérailles de Jean d'Aviano, grand-duc de Luxembourg, le 4 mai 2019 à Luxembourg. (JOHN THYS / BELGA / AFP)

En Espagne, les frasques de Juan Carlos font vaciller la monarchie dans l'opinion.  Le départ de Juan Carlos, le 4 août dernier, a été souvent perçu dans la presse française, comme une énième "info people". Ce n’est pas le cas en Espagne. À l’heure où une nouvelle fois, Madrid, et peut-être d’autres villes d’Espagne, risquent de repartir en confinement, l’Espagne étant le second pays le plus touché du continent européen après la Russie, avec à ce jour, le 19 septembre 2020, 659 334 cas confirmés, 30 495 décès pour une population de plus de 46 millions d’habitants.
(Source  : www.worldometers).

Frasques et affaires

Comme nous l’explique notre invité, le journaliste espagnol Juan José Durado, une génération d’Espagnols n’était pas monarchiste mais "Juan Carliste". Parce que Juan Carlos a représenté le retour à la démocratie en Espagne, après 40 ans de franquisme. Il fut aussi celui qui ne plia pas devant la tentative de coup d’état du colonel de la garde civile, Antonio Tejero, le 23 février 1981.

Puis vinrent les "affaires" de la famille royale dans les années 2000, dont le gendre de Juan Carlos, le mari de l’Infante Cristina. Iñaki Urdangarin, condamné pour détournement de plusieurs millions d'euros de fonds publics via l'Institut Noos, dont il était  président. Puis ce furent une série de scandales qui éclaboussèrent la famille royale espagnole durant une dizaine d’années.

En 2012, c’est l’affaire du roi et du Botswana. En compagnie de sa maîtresse, Corinna Zu Ayne-Wittgenstein, Juan Carlos s’en va chasser l'éléphant, en pleine crise économique qui secoue l’Espagne. Face à la colère de son peuple, Juan Carlos abdiquera en faveur de son fils Felipe, en 2014.

Puis il y eut l’affaire des comptes offshore entre Panama, Bahamas, Suisse, des affaires avec l’Arabie saoudite, pour quelques 100 millions de dollars. Et si une partie de la somme des comptes de Juan Carlos à l’étranger devait revenir à Felipe, son fils, ce dernier annonçait qu’il renonçait à l’héritage de son père.

Felipe VI

La tâche est bien lourde pour le roi d’Espagne. Aussi, avait-il fait savoir dès son entrée en fonction que, concernant la famille royale, c’est-à-dire celles et ceux qui bénéficiaient des prébendes de la Couronne, la famille royale serait composée par sa famille, son épouse Laetitia, ses deux filles et ses parents. Au vu de "l’affaire Juan Carlos", Felipe a fait savoir qu’il retirait à son père sa dotation royale de 195 000 euros par an. Les autres membres de la famille, quant à eux, ne recevraient une dotation ponctuelle, qu’en cas de représentation à sa demande.

Juan Carlos dans la tourmente

Concernant l’enquête sur Juan Carlos par la justice suisse et un juge madrilène, Juan Carlos ne peut être poursuivi, car le parlement espagnol avait voté l’immunité particulière de Juan Carlos, le 26 juin 2014. Ainsi, ce dernier ne peut être poursuivi devant aucune juridiction à l’exception du Tribunal Suprême. La route juridique s’avère bien longue, même si l’enquête de la Cour suprême espagnole arrivant en juin dernier concernant les commissions occultes perçues par Juan Carlos de l’Arabie saoudite, précipitait les choses... Cela explique peut-être, pourquoi le 3 août dernier, la maison royale annonçait la lettre de Juan Carlos destinée à son fils, dans laquelle il faisait part de son exil.

Et l’Espagne dans tout ça ?

Aujourd’hui, les Espagnols, durement frappés par la crise du Covid, la crise économique de 2008, font face à une nouvelle crise, à savoir, quelque part, monarchie ou république pour leur pays.

Le parti au pouvoir, le parti socialiste espagnol PSOE, représenté par Pedro Sanchez, le président du gouvernement, et le parti conservateur de l’opposition PPE, dirigé par Pablo Casado, sont défavorables à tout référendum, qui modifierait la constitution espagnole, soit le pacte constitutionnel de 1978, où aujourd’hui 55% ne seraient pas partisans de ce référendum. Pour eux le maintien de la monarchie est toujours d’actualité.

Il n’y a que l’extrême gauche, Podemos et son chef Pablo Iglesias, vice-président du gouvernement espagnol, qui sont des républicains convaincus et espèrent la chute de la monarchie. Il s’agirait ainsi d’une IIIe république espagnole. Mais pour les Espagnols, les expériences des deux républiques précédentes ne présagent rien de bon pour une troisième. Hormis Pablo Iglesias, personne n’y croit. Quant à Juan Carlos, pas de nouvelles de l’ancien roi de 82 ans. Il sait qu’aujourd’hui, tout repose sur les épaules du roi d’Espagne, Felipe VI.  

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