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Et la Suisse dans tout ça ?

Direction la Suisse et la Confédération helvétique avec Richard Werly, journaliste suisse, correspondant à Paris. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
25 janvier 2019. Les panneaux d'une campagne de votations dans le centre-ville de Genève en Suisse.  (THIERRY GACHON / MAXPPP)

Le journaliste suisse Richard Werly, correspondant à Paris, est l'invité de Micro européen.

franceinfo : Vous collaborez au grand quotidien zurichois Blick, Richard Werly ?

Richard Werly : Tout à fait. C'est assez nouveau puisque beaucoup d'auditeurs, en tout cas ceux qui s'intéressent à la Suisse, m'ont connu pendant de longues années comme correspondant du Temps de Genève, j’y ai officié comme correspondant à Paris, depuis septembre 2014. Aujourd’hui, j’ai donc rejoint la rédaction francophone du quotidien Blick, qui est le plus gros tirage de Suisse, et qui, chose à noter, a décidé de lancer une édition en ligne francophone, il y a maintenant presque un an. Et ça marche bien.

Et vous avez publié en mars dernier, La France contre elle-même, de la ligne de démarcation de 1940 aux fractures d'aujourd'hui, chez Grasset. Aujourd'hui, une question, on n'entend jamais parler de la Suisse. Pourquoi ?

Vous savez, oui, c'est un peu une spécialité helvétique. Et on l'associe en général aux banques, bien évidemment à la place financière de Genève. Mais plus généralement, la Suisse n'est pas un pays qui aime faire parler de lui. Pourquoi ? D'abord parce que le pays va bien. En général, malheureusement, on parle plus souvent des pays qui ne vont pas bien. La prospérité suisse est toujours au rendez-vous. La démocratie suisse, qui est une démocratie complexe avec une partie de démocratie directe, une très forte décentralisation au niveau des 26 cantons, et bien ce système fonctionne.

On vous jalouse les votations…

Effectivement, la dernière a eu lieu le 15 mai dernier, et elle a permis au peuple suisse de s'exprimer favorablement sur l'augmentation des moyens de l'agence Frontex. Puisque la Suisse, comme vous le savez sans doute, n'est pas membre de l'Union européenne, mais elle est membre de l'espace Schengen et à ce titre, elle contribue pleinement à Frontex, cette agence de protection des frontières extérieures de l'Union et des États associés.

Par contre, en ce qui concerne les relations institutionnelles entre la Suisse et l'Union européenne, là, c'est beaucoup plus compliqué. Il y aura un an que le Conseil fédéral a décidé de ne pas donner suite à un projet d'accord institutionnel qui aurait dû nouer une nouvelle relation bilatérale entre la Suisse et l'UE. Aujourd'hui, cette relation bilatérale est régie par une centaine d'accords compliqués dont Bruxelles ne veut plus. Autant dire que pour l'instant, on est dans une zone de tension, une zone de turbulences.

Et je dirais que la Suisse préfère toujours mieux travailler au niveau local. Je m'explique : ça se passe toujours bien avec vos voisins qui sont l'Alsace et le Bade-Wurtemberg…  

Oui, absolument. Ça fait d'ailleurs l'objet d'une coopération assez élaborée. Il y a un aéroport, Bâle-Mulhouse, qui est un aéroport franco-suisse. Avant, il y avait des petites chicanes administratives et fiscales, mais qui ont été réglées. Oui, je crois que la coopération transfrontalière au niveau cantonal, du côté suisse et régional, du côté français et avec les Länder du côté allemand, ça fonctionne bien parce que c'est une dimension que le système suisse sait parfaitement apprivoiser.

La difficulté de la relation qu'on appelle "institutionnelle" avec l'Union européenne, elle, est plus compliquée parce que, bien évidemment, la spécificité suisse – et elle existe dans de nombreux domaines – est mise en cause de facto par un accord avec l'Union européenne.

Je prendrai un seul exemple, qui a été l'exemple peut-être le plus problématique, c'est celui de la compétence des juges de la Cour européenne de Luxembourg. S'il y a un litige, s'il y a un problème futur, si cet accord était adopté et que la Suisse venait, pour une raison ou pour une autre, à se trouver en situation de conflit juridique avec l'Union européenne, l'Union exigerait que ce soit la Cour de Luxembourg qui tranche. Et ça, pour la Suisse, ce n'est pas acceptable.

Et n'oublions pas que la Suisse est membre du Conseil de l'Europe, un très bon membre d'ailleurs ? 

Tout à fait. C'est une institution qui a de l'importance pour la Suisse d'une manière générale, et ça s'explique avec la neutralité. Quand vous êtes neutre, vous n'avez pas d'autre solution que de vous reposer sur le système multilatéral. C'est véritablement cela, d'ailleurs, la neutralité suisse, il y a aussi le siège onusien à Genève. Tout ça est complémentaire.

Donc pour la Suisse, il est extrêmement important qu'il y ait un multilatéralisme fort, que l'ONU soit capable de régler les conflits. Malheureusement, encore une fois, cela ne correspond peu, voire pas du tout aujourd'hui à cette situation de nouvelle guerre froide, que nous sommes en train de vivre.

La France contre elle-même, de la démarcation en 1940 aux fractures d'aujourd'hui, de Richard Werly est paru chez Grasset. 

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