Hajj el-maskine: le pélérinage des pauvres
L'histoire raconte que sept Chrétiens Berbères du Maroc sont allés à la rencontre du prophète Mahomet, chez lui à Médine. Revenus au pays, ils ont convertit leurs coreligionnaires à l'Islam. Par la suite, tous les ans, les sept mages sont allés de tribus en tribus pour prévenir toute apostasie. Même s'ils se disaient toujours disciples de Jésus, ils étaient surtout Compagnons du Prophète et ont donc veillé à ce que l'Islam reste fort. On les a appelés les mages Regraga.
Voilà le mythe fondateur qui a donné naissance à un pèlerinage tous les ans, au printemps, et qui emmène, pendant quarante jours, les fidèles autour d'Essaouira.
S'il n'a pas la notoriété du pèlerinage de la Mecque, il a beaucoup de valeur pour ceux qui n'ont pas les moyens de se rendre en Arabie Saoudite? C'est le Hajj el-maskine, le pèlerinage du pauvre qui déplace quand même plusieurs milliers de personnes.
Manoël Pénicaud, un jeune anthropologue, a suivi ce pèlerinage. C'est sans doute le premier occidental à l'avoir vécu de bout en bout. Dans un livre paru aux Presses de la Renaissances, "Dans la peau d'un autre", il raconte comment il lui a fallu surmonter les épreuves pour être accepté par les Regraga… pour se mettre au diapason des pèlerins….
"J'étais considéré par eux comme le chrétien, en tous cas comme l'étranger. Toujours un peu mis à l'écart, toujours testé mais jusqu'à ce que je me fasse vraiment accepté petit à petit, en fait. Au jour le jour, il y a eu une vraie dimension "initiatique" où ils m'ont testé et j'ai, semble-t-il, tenu le coup. Les conditions de vie sont très spartiates. Pendant quarante jours on est toujours dans un semi nomadisme, on dort dehors, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il fasse chaud, on est toujours dans une espèce de déplacement perpétuel et avec des conditions auxquelles, justement, un occidental n'est pas acclimaté. Je me suis changé, j'ai désappris aussi mes propres valeurs pour mieux approcher, comprendre celles des Ragraga."
S'il n'est pas musulman, Manoël Pénicaud a quand même tiré profit de ce pèlerinage. La marche dans le dénuement apporte sérénité et réflexion, dit-il, le déplacement de soi conduit au dépassement de soi.
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