Bruno Dumont fait sa série
Il est possible et sans doute probable que P'tit Quinquin soit une de ces séries adulées par certains et incomprises par d'autres. Il faut dire que Bruno Dumont, fidèle à son habitude, n'a pas cherché à faire une fiction facile, une fiction qui se regarde avec l'esprit ailleurs. Les quatre épisodes qui ont été présentés à La Quinzaine des réalisateurs à Cannes sont distrayants, drôles même par moment. Ils sont d'une grande cruauté et en même temps d'une tendresse sincère pour ce Nord rural qui sert de théâtre à l'histoire.
Le récit est à la fois burlesque et d'une grande profondeur. Les personnages sont déroutants, voire gênants dans la manière qu'ils ont de jouer ou plutôt de ne pas jouer mais d'incarner des archétypes comme le feraient des enfants lors d'une kermesse d'école. Ce parti pris - à une époque où les créateurs ont pour seul souci le succès et les audiences - est d'une audace assez folle pour ne pas dire insensée.
Qualifier P'tit Quinquin de série atypique est finalement peut dire. On pourrait penser qu'il s'agit d'un polar mais après quelques minutes on n'en est plus si sûr. Et plus les épisodes avancent, plus on se dit que l'intrigue, que les meurtres violents ne sont que des prétexte pour parler d'autre chose, pour aborder quelque chose de plus complexe, pour nous tendre un miroir.
Don Quichotte et Cervantès
Dans P'tit Quinquin nous suivons les aventures d'un petit garçon et de ses copains désoeuvrés aux premiers jours des vacances. Nous suivons l'enquête menée par deux officiers de gendarmerie après la découverte d'une vache morte dans un blockhaus de la côte d'Opale. Mais surtout nous nous regardons nous-mêmes. C'est nous qui sommes les héros de cette aventure avec notre racisme, nos certitudes, nos réflexes, nos peurs et notre humanité.
P'tit Quinquin évoque la France des oubliés, ceux dont on ne parle jamais et dont on a beaucoup parlé récemment pour expliquer les résultats des dernières élections. P'tit Quinquin est une oeuvre d'une grande cruauté, d'une grande violence formelle, mais elle est d'abord le reflet d'une violence réelle, qui ne se montre qu'en de rares occasions, qui ne se voit pas et qu'on ne veut pas voir.
Il y a quelque chose de Don Quichotte et de Cervantès dans ces quatre épisodes. Il y a cette idée du regard. Le monde est comme on le perçoit. Chaqun y voit le sien et personne ne voit le même. Le risque d'incompréhension est grand mais si on accepte d'être attentif, les images reviennent alors, après qu'on a fermé les yeux et elles viennent peupler des rêves.
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