Vrai ou faux
Soutien de Taylor Swift à Kamala Harris : la star américaine plus que jamais la cible de théories du complot

La mégastar américaine a apporté, mercredi, son soutien à Kamala Harris, la candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine, et certains y voient la confirmation de leurs théories du complot. Mais ont-ils raison de tirer cette conclusion ?
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Taylor Swift assiste aux MTV Video Music Awards 2024 à l'UBS Arena le 11 septembre 2024 à Elmont, New York. (ROY ROCHLIN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

"Turns out we were right." "Il s'avère qu'on avait raison." La phrase d'un utilisateur de X résume bien les réactions de la sphère conspirationniste américaine sur les réseaux sociaux depuis l'annonce du soutien de Taylor Swift à Kamala Harris, la candidate démocrate à la présidentielle américaine, rivale de Donald Trump. Les adeptes de certaines théories du complot visant la chanteuse y voient la confirmation du fait qu'ils avaient raison.

Ils narguent ceux qui ne les ont pas crus. "Souvenez-vous du 'Guardian' qui disait que le soutien de Taylor Swift [aux démocrates] était une théorie du complot…", écrit un autre internaute. "Plus tôt cette année, suggérer que Taylor Swift allait faire ce qu'elle avait fait plusieurs fois, à savoir soutenir un démocrate, était assimilé à une théorie du complot. Et maintenant, qui a apporté son soutien à Kamala Harris ?", renchérit encore un autre. Mais ont-ils raison de jubiler ?

Taylor Swift, cible privilégiée des théories du complot

Les théories du complot visant Taylor Swift sont nombreuses et assez classiques dans le paysage conspirationniste. Le podcast Complorama de franceinfo y a consacré un épisode au printemps 2024. La chanteuse serait une marionnette de "l'État profond", le "Deep State", en anglais. Expression servant à dénoncer un prétendu pouvoir secret, qui tirerait les ficelles en coulisses.

Selon les versions, la chanteuse est plus ou moins volontaire dans la manipulation. Certains pensent que Taylor Swift a été victime d'un chantage et forcée d'apporter son soutien à la candidate démocrate car "ils ont trop de choses sur elle". D'aucuns pensent qu'elle a été recrutée par le Pentagone. Cette version a reçu tellement d'écho au début de l'année que le Pentagone avait dû démentir, comme le rapporte Politico (en anglais). Pour d'autres encore, Taylor Swift est une "construction de l'OTAN".

>> A écouter : "Agent du Pentagone, rituels sataniques, Illuminati... Taylor Swift au cœur de théories du complot"

La chanteuse est aussi soupçonnée, pêle-mêle, comme beaucoup de célébrités, d'être une Illuminati et de faire des pratiques satanistes. Elle est aussi accusée d'avoir passé un contrat avec Travis Kelce, son petit ami, footballeur américain, pour faire semblant d'être en couple.

Cette autre réaction d'internaute au soutien de Taylor Swift à Kamala Harris est emblématique : "Nous savons tous pourquoi. Nous ne devrions pas être surpris. Nous connaissons tous l'agenda. Nous savons tous qu'ils n'ont pas le choix. Nous savons tous qu'ils sont des marionnettes. Taylor Swift appartient à la machine. C'est l'un de ses agents. Un outil utilisé pour la soutenir. Nous avons tous vu son contrat avec Kelce. Nous avons tous vu qu'elle était l'esclave de George Soros [un multimilliardaire américain qui soutient les démocrates et est accusé de vouloir contrôler le monde en secret]. Elle fait ce qu'on lui dit de faire. A ce niveau, aucun d'eux ne s'appartient." Sans jamais préciser à qui renvoient les mots "ils" et "eux", sans définir la "machine" en question.

Un Américain sur cinq croit que Taylor Swift est un agent de l'État

Sauf que le soutien de Taylor Swift aux démocrates pour la présidentielle américaine ne signifie pas que leurs théories du complot sont vraies. Conclure de cette annonce que la chanteuse est manipulée, c'est refuser de comprendre et d'accepter qu'elle se soit fait sa propre opinion et qu'elle préfère, par elle-même, légitimement, le programme de Kamala Harris à celui de Donald Trump. Comme elle l'écrit elle-même dans son message de soutien sur Instagram : "J'ai fait mes recherches et j'ai fait mon choix. A vous de faire vos recherches et de faire votre choix."

Tout cela pourrait faire sourire si ça n'avait aucune conséquence. D'abord, on trouve des échos à ces théories dans les discours politiques. La réaction de Donald Trump, par exemple, semble y faire une référence cachée. Le candidat républicain à la présidentielle américaine a affirmé mercredi que la méga star allait "payer le prix" de son soutien à Kamala Harris en termes de vente d'albums ou de places de concert. Mais il a surtout glissé cette petite phrase : "Elle semble toujours soutenir un démocrate."

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Dans Complorama, Tristan Mendès France de l'observatoire français Conspiracy Watch, explique qu'il ne faut pas négliger le poids de ces théories du complot sur la chanteuse américaine au demi-milliard d'abonnés sur les réseaux sociaux. "On n'est pas du tout sur un phénomène de croyance marginal", assure-t-il. "On a d'ailleurs des chiffres. Le New York Times rappelait le 14 février dernier qu'un sondage soulignait que 18% des sondés pensaient qu'il y avait un effort gouvernemental caché derrière Taylor Swift pour aider à l'élection du président Biden", qui a depuis laissé sa place dans la course à la présidentielle à Kamala Harris. Autrement dit, près d'un Américain sur cinq croit en ces fausses théories.

>> Lire aussi : "Quand la complosphère s'empare du retrait de Joe Biden"

"Ce sondage révélait aussi qu'une grande majorité de ceux qui croit à ces théories complotistes étaient des Républicains, 71% d'entre eux, et que 83% de ceux qui croient à ces théories autour de Taylor Swift étaient clairement des potentiels électeurs de Donald Trump", continue l'observateur de la complosphère.

Le sondage relayé par le New York Times (en anglais) montre aussi une porosité entre ceux qui croient aux théories complotistes sur Taylor Swift et entre ceux qui pensent que l'élection présidentielle de 2020 a été truquée et que Donald Trump ne l'avait pas réellement perdue. "On a bien là un complotisme idéologiquement teinté avec une forte charge politique", conclut Tristan Mendès France. Cela montre le poids de la désinformation aux États-Unis, mais aussi le poids qu'ont les fausses informations dans la campagne pour l'élection présidentielle américaine de cet automne.

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