Vrai ou faux
Les agriculteurs ont-ils 50% de risque en plus d'avoir un lymphome ou un cancer de la lèvre, comme l'affirme Marie Toussaint ?

Après l'annonce de la mise en pause du plan Ecophyto, la tête de liste des écologistes aux élections européennes, Marie Toussaint, a appelé à changer de modèle. Elle affirme que les agriculteurs ont 50% de risque en plus d'avoir un lymphome ou un cancer de la lèvre, à cause des pesticides. C'est plutôt vrai mais c'est très variable en fonction des cancers.
Article rédigé par Lise Roos-Weil
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Marie Toussaint, tête de liste des écologistes aux élections européennes, le 2 décembre 2023.) (JULIEN DE ROSA / AFP)

"La pause, ce n'est pas la marche arrière", se défend le ministre de la Transition écologique, Chritophe Béchu dimanche 4 février. Après l'annonce de la mise sur pause "pour trois semaines" du plan  Ecophyto, les réactions se multiplient. Les écologistes dénoncent une décision dévastratrice pour la santé des consommateus et des agriculteurs. Pour la tête de liste des Écologistes aux Européennes, Marie Toussaint, il faut mettre fin à ce modèle agricole : "On compte, dans le milieu agricole, plus 50% de probabilité de tomber malade d'un lymphome ou d'un cancer de la lèvre, ce sont des cancers qui sont liés aux pesticides, et donc il faut absolument changer de modèle", a-t-elle affirmé sur RMC. Les agriculteurs ont-ils vraiment 50% de risque en plus d'avoir un lymphome ou un cancer de la lèvre ? La cellule vrai ou faux a vérifié.

Chez les agriculteurs, il y a précisément 55% de plus de cancer de la lèvre que dans le reste de la population

C'est plutôt vrai, mais les situations sont très variables, notamment en fonction des cancers. Chez les agriculteurs, il y a précisément 55% de plus de cancer de la lèvre que dans le reste de la population, uniquement pour les hommes. Les agricultrices, elles, ne sont pas plus exposées. On retrouve aussi deux fois plus de lymphomes lymphoplasmocytaires, un certain type de cancer du sang, chez les exploitants agricoles. Mais si on prend en compte tous les types de lymphomes, la surreprésentation de cette maladie chez les agriculteurs n'atteint plus que 9%.

Tous ces résultats sont issus du dernier bulletin, publié en 2020, de l'étude Agrican, menée depuis 2005 par les chercheurs de l'université de Caen-Normandie et de l'université de Bordeaux, et conduite en partenariat avec la Mutualité sociale agricole (MSA) et le réseau Francim, le réseau français des registres des cancers. Plus de 180 000 agriculteurs, affiliés à la MSA, sont suivis dans cette étude. Les chercheurs ont comparé leur état de santé à celui de la population générale.

L'influence des pesticides mise en évidence dans plusieurs cas, mais des facteurs environnementaux ou génétiques existent aussi


Sur les 43 cancers étudiés dans l'étude, six sont plus fréquents chez les agriculteurs que dans la population générale : le mélanome de la peau (+29%), le myélome multiple (+20%), le cancer de la prostate (+3%) ainsi que le cancer de la lèvre, l'ensemble des lymphomes et le lymphome lymphoplasmocitaire.

Ce surrisque est-il pour autant uniquement attribuable aux pesticides ? Non, les chercheurs insistent : "l'exposition [aux pesticides] ne suffit généralement pas à dire que l'exposition est une cause de la maladie [...] d'autres paramètres peuvent intervenir", comme des facteurs environnementaux ou génétiques. Pour le cancer de la lèvre par exemple, l'exposition importante des agriculteurs au soleil est pointée du doigt.

Mais dans plusieurs cas, l'influence des pesticides a bien été mise en évidence par les chercheurs. Le risque de cancer de la prostate est par exemple 20% plus élevé pour ceux qui utilisent des insecticides sur bovins. Pour le myélome multiple, le risque augmente de 40% pour les agriculteurs qui traitent leurs pommes de terre, blé, ou maïs avec des pesticides.

Les agriculteurs moins touchés par les cancers du poumon, de la vessie ou du foie

En revanche, les agriculteurs sont aussi moins touchés par certains cancers. Ils ont 42% moins de risque de contracter un cancer du poumon (-33% chez les femmes). Les cancers de la vessie, de l'œsophage ou du foie sont aussi moins présents. Cela ne veut pas dire pour autant que les pesticides ne jouent aucun rôle dans ces cancers. Le traitement des semences notamment augmente tout de même, statistiquement, le risque de cancer de la vessie.

Toutes causes confondues (cancers, tumeurs, problèmes cardiaques, infections, accidents ou suicides),  la mortalité des agriculteurs est même 25% inférieure à celle du reste de la population. Cette différence s'explique notamment par le mode de vie des agriculteurs : ils fument moins, mangent mieux, font plus d'exercice et vivent dans des environnements moins pollués qu'en ville. Les chercheurs appellent aussi à la prudence sur ce résultat. Il y a aussi un "biais du travailleur sain". Les personnes à la santé trop précaire et qui ne peuvent plus travailler ne sont pas sélectionnées dans la cohorte des agriculteurs.

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